Voyage retour 
 

Batailles choisies #474

Comment peut-on prolonger éternellement ses vacances? Écoutons les solutions proposées par Grand… et versons une larme ou deux tout en lançant en l’air un rire ou deux… 🥛


 

- Et on peut revenir bientôt en France, Maman?

- On ne va pas revenir tout de suite, non, Grand.

- Mais pourquoi? Moi, j’ai adoré la France!

- J’imagine. Et qu’est-ce que tu as adoré, en particulier?

- Tout!

- Tout?

- Oui, l’endroit, Papy et Mamie, ce qu’on mange, la forêt, le lac, la raclette. On revient bientôt, alors?

- Je ne suis pas sûre, mon chéri.

- Mais pourquoi? Moi, je veux rester ici!

- Ce n’est pas si simple.

- Mais pourquoi? 

- Tu sais, les billets d’avion sont très chers pour venir ici, c’est un beau cadeau qu’on s’est fait, déjà…

- Je veux encore des cadeaux à nous-mêmes, alors!

- Ce n’est pas possible, mon chéri. 

- Et pourquoi on ne vient pas habiter en France?

- On a notre vie au Chili, notre travail, notre école.

- Mais en France aussi, il y a des travails.

- Oui, mais… 

- Regarde, Maman, écoute, j’ai une idée.

- Je t’écoute.

- Toi, tu trouves un travail en France.

- Hmmm.

- Papa, il garde son travail au Chili.

- Hmmm.

- Et moi, Milieu et Dernier, on passe un peu de temps en France et un peu de temps au Chili, surtout les vacances.

- Ce serait le rêve, c’est sûr. Pour vous en tous cas. Parce que moi, j’ai envie qu’on ne forme qu’une seule famille. De toute façon, il y a beaucoup de détails pratiques. On habiterait où, en France?

- Chez Papy et Mamie.

- Et on mangerait quoi?

- Au restaurant et sinon ce qu’il y a chez Papy et Mamie.

- Et qui s’occuperait de vous pendant que je travaille, moi. Parce que tu sais, ce ne serait pas comme au Chili, j’habiterais loin de l’école et on ne pourrait pas y aller à pied…

- Papy et Mamie.

- Tu es mignon, mon chéri. Mais je crois que ce n’est pas possible, tu sais. Pour l’instant, le mieux qu’on puisse faire, c’est d’essayer de revenir en vacances et profiter au maximum quand on est là…

- C’est injuste, injuste! Moi je veux venir tout le temps!

L’émotion passe avec un câlin. C’est un câlin de deux âmes qui se comprennent et ne se comprennent pas: moi aussi, mon fils, j’aimerais prolonger les vacances éternellement! Moi aussi, j’aimerais avoir à demeure des Papy et Mamie qui cuisinent, font les lessives, font des activités avec les enfants! Moi aussi j’aimerais n’avoir dans mes journées que du temps libre à partager entre mes enfants et mon écriture. Sauf qu’il faut bien vivre, être heureux de ce qu’on a, qui est déjà beaucoup, être reconnaissant, voir le verre à moitié plein et donc… revenir à la normale. Rien ne sert de tricher, dans la vie. 

Le front de mon fils accuse une idée qui lui naît et qui le convainc. D’un air innocent, il me demande 

- Et Maman, si par exemple, moi je suis malade le jour où on doit prendre l’avion… est-ce que je suis obligée de rester ici?

On peut bien tricher dans sa tête, quand on n’a que 6 ans et demi. Ça sert à revenir doucement à la vraie vie.


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J’allais
 

Batailles choisies #473

On a beaucoup d’ambition quand on est en vacances… et puis ensuite on se rappelle qu’on a des enfants - et que ce n’est pas si mal. 🔝


 

J’allais emmener mes enfants à Paris voir la tour Eiffel.

J’allais lire un livre.

J’allais chercher à avancer ma carrière littéraire en rencontrant des éditeurices, des journalistes, des podcasteurices.

J’allais chercher à voir mes amis qui n’habitent pas si loin, en faisant un petit effort.

J’allais emmener mes enfants à la mer ou aux falaises d’Étretat.

J’allais m’occuper des papiers de la banque.

J’allais regarder une série ou bien un film ou bien un long documentaire historique.

Je n’ai rien fait de tout cela.

J’ai fait la sieste.

J’ai écrit.

J’ai mangé du fromage, beaucoup de fromage.

J’ai passé des moments tout doux avec Dernier, des moments pleins de gaieté avec Milieu, des moments pleins de sagesse avec Grand. 

J’ai eu des conversations agréables et nécessaires avec mon mari.

J’ai parlé d’avenir avec ma mère.

J’ai rendu visite à ma grand-mère malade d'Alzheimer.

Je me suis disputée avec mes enfants, mais beaucoup moins et beaucoup moins fort.

J’ai regardé avec Mari des émissions de vacances parfaitement idiotes, légères et sans autre intérêt que de nous rappeler l’époque lointaine où nous n’avions pas d’enfants - beaucoup d’intérêt, en fin de compte, à ces émissions sans.

J’ai passé une matinée à Rouen à faire du shopping avec ma mère.

J’ai mangé des yaourts, beaucoup de yaourts.

J’ai confié Dernier à mes parents et j’ai respiré en pensant au jour, lointain et proche, où je serai définitivement sortie de la petite enfance.

J’ai fait de douces balades à vélo, en regardant les jeux de lumière se glisser entre les feuilles de chênes centenaires, en me réjouissant de sentir le vent frais me caresser le visage, en écoutant la nature gazouiller et chuchoter.

J’ai souri en voyant mon père prendre très à cœur son rôle de Papy.

J’ai visité une ferme laitière avec mes enfants, je les ai vus jouer en riant dans la paille.

J’ai couru après mes enfants en ville, à la campagne, à côté du lac, dans la forêt.

J’ai laissé Grand se coucher tard, j’ai laissé Milieu manger encore des frites, j’ai laissé Dernier téter tout son saoul.   

J’ai vu Dernier apprendre un nouveau mot, “pâtes”, très utile pour le bon mangeur qu’il est, prononcé avec beaucoup d’application et de la mignonnerie en barre.

J’ai marché en forêt.

J’ai regretté un peu ma vie française et aimé davantage ma vie au Chili.


J’allais faire plein de choses, j’en ai fait moins… et plus: j’ai eu de belles vacances.


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