Confinement - Jour 20
Batailles choisies #24
En deux mots: ce matin, à 6 heures, exténuée et au bord de la crise de nerfs, j’écoute Grand me dire que si je veux, lui, il boit de l’eau, et moi, je peux boire un verre d’alcool. Six heures et quart, l’heure du Ricard.
Ce matin, je suis à cran. Les enfants sont debout depuis l’aube, leurs demandes, leurs jeux, leur présence, leur existence même, me hérissent. Cette matinée va être très longue, je la redoute autant que je me redoute quand je suis dans cet état, découragée, épuisée. Évidemment mes enfants ne peuvent pas comprendre, ne peuvent pas me laisser me reposer, me ressaisir. Il n’y a donc rien à faire que chercher quelque-part-mais-où de la patience et de l’amour.
Soudain, les enfants se prennent d’intérêt pour le meuble où nous rangeons les bouteilles de vin et d’alcool. Petit regarde les couleurs chatoyantes des liqueurs, Grand commence à dénombrer les bouteilles de vin, un, deux, trois, quatre...
“Trois pensées passent par ma tête de confinée”
Grande promo du confinement ! Une bouteille cassée, une bouteille avalée!
Mais j’y pense, je peux peut-être faire une vidéo pour montrer à la maîtresse qu’on travaille les mathématiques… Maman, maman, dix, onze, douze, regarde, je compte très haut!
S’il faut, je crée un problème de maths sur le champ, type: si j’ai une bouteille de vin d’un litre, et que j’en bois 500 ml au petit déjeuner, combien de ml me restera-t-il pour le goûter?
Cette découverte (il faut dire qu’on ne l’ouvre pas souvent ce meuble) engendre un fourmillement d’idées chez Grand.
Maman, dans le frigo, j’ai vu qu’il y a des bouteilles d’alcool pour les grands. Ça fait douze ans qu’elles sont là! Tu devrais en boire, tu sais. Regarde, maman, me dit-il en me tendant les bouteilles de Martini qu’il est allé récupérer pour l’efficacité de son argumentation, regarde, si tu veux, moi je bois un verre d’eau, parce que les petits ne peuvent pas boire ça et toi, tu peux prendre un verre d’alcool, à l’apéritif du petit-déjeuner.
“bim, la voilà, la joie d’avoir des enfants”
Dans le puits sans fond de ce confinement oppressant, bim, la voilà, la joie des enfants : le rire qui fuse en feu d’artifice au milieu des nuages noirs.
