Garde-fou

 

Batailles choisies #386

Chic, chic, chic, c’est l’heure de la sieste de Dernier! Mais… que vois-je? Mon bébé a les yeux grands ouverts? Non, pas possible! Non, pire que pas possible: c’est terrible! 👷‍♀️


 

Dernier était censé s’endormir pour sa sieste, le combo post-déjeuner - rideaux tirés - tétée étant toujours gagnant.

Dernier s’enlève du sein, s’assoit sur ses fesses et, grands yeux ouverts, me lance un “bah!” joyeux.


Mon monde s’écroule.

Bah!

La sieste, c’est mort. 

Bah!

Oh, non, il commence à grimper, hilare, sur les oreillers.

Bah!

La sieste, c’est mort et enterré.

Rien ne me met de pire humeur. Rien. Même pas mes aînés se chamaillant pour l’assiette rouge.


Dernier qui ne fait pas la sieste alors que j’ai tourné toute ma journée autour de son dodo qui, combiné avec un film pour les grands, me donnera le luxe d’un temps pour moi, c’est la

Déprime

Loose

Débâcle 

Catastrophe.

 

J’ai déjà souvent dit et écrit que passer ses journées avec ses enfants est une expérience profonde d’aliénation. Les enfants vous enserrent, vous emprisonnent, vous enchaînent, non: ils vous garottent avec leurs demandes et besoins. La sieste-télé est donc, pour moi, le dénouement du garrot, c’est ce moment où je me recentre, où je retrouve mon unité au lieu de cet éclatement terrible du moi. C’est mon garde-fou, mon moment-barrière, qui sauve mon être d’un délitement total. 


Mais aujourd’hui, que Monsieur Bah! a décidé de mettre à bas mon après-midi, ne devrait pas  me filer autant la loose déprime débâcle catastrophe. Aujourd’hui, je devrais le balayer d’un haussement d’épaule et d’un bah! de mon propre cru. 

 

Pourquoi?

Dernier va depuis peu à la crèche le matin. Je le dépose, m’installe au café au bout de la rue où je suis certaine de ne croiser aucun membre de ma famille et profite du luxe, grand luxe et suprême luxe d’avoir trois, bientôt quatre, quand son adaptation sera parfaite, heures à moi.


Pourquoi ces deux yeux rieurs et cette bouche tendre criant joyeusement “bah” ne me tirent-ils donc pas le moindre sourire? 

D’abord parce que mon temps à moi, sur lequel je comptais, pourrait toujours être plus long (je ne m’ennuie pas avec moi-même, je vous assure).

Mais aussi, je m’en rends compte à mesure que le nuage noir de ma loose déprime débâcle catastrophe se dissipe, parce que Dernier qui ne dort pas, c’est toute la tour de l’organisation familiale qui s’écroule et exigera, avec mon énergie et mon goût (non) pour la maçonnerie par gros temps, d’être reconstruite.  


Allez, ma grande, pas de garde-fou pour toi cet après-midi. 

Un “bah!” et ça repart - aux fourneaux, au moulin, au turbin.


Batailles en vrac⭣

Batailles rangées⭣

Heloise Simonsieste, Dernier, temps