Un précieux trésor

 

Batailles choisies #431

Certains jours, on ne passe pas un moment merveilleux avec ses enfants. Ses enfants en revanche passent un moment merveilleux, alors ça va. 🥐


 

Samedi matin, on se fait un petit plaisir.

- Les garçons, d’abord, je vais voter dans un endroit à Santiago, mais après, vous savez quoi? On va aller dans une boulangerie française juste à côté…

- Et il y aura des macarons?

- Oui, Grand! Et aussi des viennoiseries!

- Viéloisserie?

- Tu sais, Milieu, des pains au chocolat, des croissants! Tu verras, je suis certaine que tu vas adorer.


Je me dis qu’un jour, peut-être, notre famille possèdera ces petits rituels qui nous définissent, comme par exemple cette boulangerie française, tu te souviens, à Santiago, où on allait de temps en temps acheter de délicieux gâteaux. Peut-être, oui, qu’on prendra de temps en temps, ce petit-déjeuner de luxe et de sucre, que mes enfants me le réclameront, que je l’accorderai avec un soupir résigné autant qu’avec la joie de partager avec eux ce petit bonheur. C’est aussi pour ça que je me dis que je vais prendre Grand et Milieu ce matin, parce que j’espère que ce moment sera un trésor, plein de gourmandes découvertes et de complicité, un moment qu’on chérira eux et moi.

J’espère mais je ne me fais pas d’illusion. Je connais mes enfants. C’est fini depuis longtemps les illusions sur la sortie tranquille où l’on regarde ses bambins avec des paillettes dans les yeux. J’ai bien fait de ne pas trop espérer. Mes enfants se comportent… ben… comme mes enfants: borderline mal, mais ça aurait pu être pire - le slogan de ma vie avec eux. Grand me demande cinq fois quand est-ce qu’on commande, Milieu s’amuse à faire bouger la table en fer pour qu’elle fasse du bruit, ils commandent des jus d’orange qu’ils ne boivent pas, Milieu colle ses mains sales contre la vitrine. Grand parle très fort et commente ses parfums préférés de macarons, j’imagine pour moi, mais toutes les tables l’entendent. Mes garçons dédaignent la petite cabane où j’espérais qu’ils jouent longuement, préférant se coller contre moi et regarder au fond de ma tasse combien de café il me reste avant qu’on parte - mais Maman, tu bois super lentement, dépêche-toi un peu! Grand engloutit son croissant, puis négocie pour manger mon croissant aux amandes. Milieu dévore son pain au chocolat qu’il tient contre lui comme si on allait lui enlever. Je lui demande si je peux goûter. Il sent qu’il est obligé d’accepter alors il détache avec précaution le plus petit morceau qu’il peut avant de se raviser et de recracher le morceau qu’il a dans la bouche pour me l’offrir. Mes enfants… sont mes enfants, quoi. 

- Allez, c’est l’heure, oui, on y va! Vous choisissez chacun une petite boîte de macarons et vous choisissez les saveurs que vous voulez. 

L’un après l’autre, ils choisissent leurs sucreries, et cette verte s’il vous plaît, et je voudrais aussi le rose, là, et moi aussi un jaune, un jaune, un jaune! J’aurais aimé vivre un moment de pause, de paix, un moment précieux. Ce n’était pas affreux, non. C’était plutôt agréable. On rentre contents, contentés. Je ne sais pas si je m’en souviendrai toujours, par contre…


En ce matin tranquille d’une capitale d’habitude tumultueuse, on a tout loisir, Grand, Milieu et moi de prendre tout le trottoir. Je pose mes mains sur la chevelure, à gauche de Grand, à droite de Milieu. Ils marchent en regardant droit devant, en silence, concentrés sur leur mission: ne pas faire tomber la boîte de macarons qu’ils tiennent bien serrée contre eux, comme un trésor.

Je suis rentrée bredouille de ma chasse, mais eux ont trouvé le butin.


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