Pas sortable

 

Batailles choisies #443

Dernier s’émerveille de tout ce qu’il peut atteindre pendant que je me morfonds de tout ce que je suis censée maintenir hors de sa portée. Bref: l’âge touche-à-tout. 🪜


 

Dernier et moi sortons dans la rue. J’ai épuisé mes idées pour l’occuper à la maison et j’avoue que sa période touche-à-tout (non, pas les piles, non, pas les mains dans la prise, non, pas les bouteilles de bière) me fatigue et menace mon amour maternel. Allez, on sort. 

Il fait un temps radieux d’automne. C’est une de ces journées qui me rosit le nez mais me réchauffe le cœur, une de ces journées où je me sens particulièrement privilégiée, où j’aime ma vie au Chili. Notre petite rue tranquille affiche son enfilade de maisons bordées de platanes aux feuilles brunes et oranges. Dernier joue un peu devant chez nous puis part à l’aventure…. Enfin… Dernier part bille en tête faire les 400 coups serait plus juste:

À la 2, Dernier met des grands coups de bâton (mais il l’a trouvé où ce bâton?) dans la grille métallique en affichant son plus beau sourire de satisfaction. Je me dépêche de lui enlever mais l’écho plaintif se propage encore longtemps dans notre sillage même si on s’enfuit comme des voleurs.

À la 4, Dernier plonge ses mains dans un pot en terre et en renverse un autre. Je me dépêche de le ramasser et de secouer discrètement son pull pour ne pas laisser de traces du coupable.

À la 6, Dernier secoue un pêcher comme un prunier.

À la 8, Dernier cherche à monter sur un vélo beaucoup trop grand pour lui et pas à lui d’ailleurs.

À la 10, Dernier arrache les jolies fleurs de lavande du voisin avant de tenter d’en nourrir son chien.

À la 12, Dernier vide le contenu des poubelles de tris avec une joie grande, tandis que je me dépêche avec une honte grande aussi de remettre les plastiques avec les plastiques et les canettes avec les canettes.

À la 14, Dernier enlève toutes les lampes solaires élégamment posées sur le sol, que je m’empresse de remettre et qui sont de nouveau enlevées sitôt remises.

Je suis entrée de plain-pied dans la période touche-à-tout de Dernier. J’en ai déjà marre et je remercie mes voisins de ne pas avoir l'œil de ce côté de chez eux. Allez, on rentre. Ça y est, c’est officiel: Dernier n’est pas sortable.

 

À la maison, je pose les clés sur le comptoir de la cuisine, puis je me ravise et me dis que je vais les mettre dans le panier à l’entrée parce que c’est clairement un coup à ne pas les retrouver quand on les cherche. Le temps que je me fasse cette importante réflexion et que je revienne de l’entrée à la cuisine (1 mètre 50 de distance), Dernier a ouvert le placard, attrapé le grand bocal de grains de riz soufflé pile à sa hauteur, bocal qu’il a fait tomber sur le sol dans un fracas de mille morceaux de verre et autant de grains de riz.

En fait, Dernier n’est pas entrable non plus.


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