Bonne nuit

 

Batailles choisies #446

Cette nuit sera peut-être ma première nuit complète (entendez: sans être réveillée par un enfant) depuis six ans (oui, SIX). Comment vais-je (peut-on, même) fêter un tel événement? 💤


 

C’est pour bientôt. C’est imminent. On y est presque. Je vois le bout du tunnel de mes mauvaises nuits. Peut-être que c’est même pour ce soir…

Je n’ose y croire, je n’ose me réjouir, je n’ose même penser à la manière dont je vais fêter un tel événement… Comment ça se fête, une bonne nuit de sommeil? Comment, je vous le demande?

Je n’ai pas dormi une nuit complète depuis plus de six ans. Aurait-ce un rapport avec le fait que je suis devenue mère il y a un peu plus de six ans? Peut-être. Mes enfants ont toujours mal dormi: entre les biberons de l’un, les cauchemars de l’autre, les tétées du troisième, les demandes de câlins, les peurs du noir, les toux sèches, les toux grasses, les nez qui coulent, les confinements et leurs angoisses, les insomnies de grossesse, les insomnies de stress maternel, les arrivées sismiques de petits frères, je n’ai pas souvenir de m’être couchée en me disant “bonne nuit, à demain matin”, depuis, donc, six ans. Évidemment, il y a bien eu quelques nuits par ci, par là, celle où mon mari avait pris les 2 grands chez sa mère pour le week-end, une poignée de nuits quand j’étais enceinte de Milieu, mais je reste tout de même sous l’impression que les réveils nocturnes ont été mon quotidien.

Les gouttes d’eau de cinq à six réveils intempestifs par nuit de Dernier ont fait déborder le vase de ma patience: non, ce n’est plus possible, il y a quelque chose qui cloche, quelque chose que j’ai raté avec le sommeil des enfants. Je vais reprendre le travail sous peu, il faut que je regarde la réalité en face: il me faut de l’aide. Caroline, conseillère en sommeil, m’a expliqué les besoins des enfants âge par âge, les heures de siestes, les fenêtres optimales d’éveil entre chaque sieste et les techniques pour aider un enfant à dormir mieux, à ne plus avoir besoin de ses parents pour se rendormir. Explications salvatrices. Les bonnes habitudes de sommeil ont été prises, les techniques assimilées, avec sueur, sang et larmes (je te préviens, Héloïse, ça va être vraiment dur à mettre en place au début): au bout de quelques semaines, on est passé de 6 à 3 réveils nocturnes; d’autres semaines encore et c’est un sommeil continu de 19h30 à 1 ou 2 heures du matin; encore quelques semaines de patience et le premier réveil se situe autour de 4 heures puis 5 heures du matin. Caroline me l’a bien expliqué: cet éveil de 4 ou 5 heures est le dernier à partir, c’est la bataille la plus coriace à livrer, celle pour laquelle il faut s’armer jusqu’aux dents de patience et de courage. Mais tu peux y arriver, Héloïse, tu peux le faire. Rappelle-toi par contre que tout réveil après 6 heures du matin est le signal du début de la journée. Pour consolider le sommeil du petit matin, il faudra encore trois semaines environ à ton petit Dernier… C’est le plus difficile, courage! Quand je pense qu’à une époque, me lever à 6 heures était une punition, moi qui le regarde maintenant comme l’horizon doré… 

Trois semaines sont passées. Toutes les prophéties de l’oracle se sont réalisées: Dernier a un sommeil paisible, il ne se réveille plus ou bien réussit à se rendormir seul après un demi-éveil sans pleurs. Il ne reste plus que ce petit matin… qui tout de même promet la victoire toute proche… réveil à 4 heures, 4 heures trente, 5 heures, 5 heures quinze…

 

Donc, je vous le redemande: comment fêter la première bonne nuit de sommeil après 2190 mauvaises?  Regarder un mauvais film jusqu’à 23h30? Acheter une boîte géante de chocolats? Danser avec mes enfants sur leurs plus mauvaises chansons? Dépenser une fortune en chaussures? Boire une liqueur fine, de celle que j’ai à la maison mais que je ne bois que pour les grandes occasions - jamais, donc? Jeter à la poubelle tous les jouets musicaux qui grésillent dans des boîtes de rangement débordant de bordel? Oh… je ne sais…

Un sanglot me réveille. L’obscurité est encore profonde dans la chambre. Je m’éveille comme avec un switch, soudainement, habituée à m’éveiller à mes obligations parentales en une demi-seconde. Je ne suis pas certaine d’analyser correctement la situation, mais ce que j’arrive à analyser en revanche, c’est que je n’ai pas l’impression d’être complètement dans le brouillard… je me sens même… reposée… bizarre. Un coup d'œil à mon téléphone.

06h02.

Champagne.


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