KK

 

Batailles choisies #453

Pouffer de rire avec ses enfants alors qu’on vient de se fâcher très fort : bienvenue dans ma vie de mère. 🏃💨


 

J’en ai marre, marre, marre! Ça suffit! J’ai dit :ça suffit! Je suis fatiguée de devoir vous répéter quinze fois les choses! Tous les soirs, c’est pareil, tous les soirs, c’est pareil, tous les soirs, je dois vous dire qu’il faut vous mettre en pyjama, vous mettre en pyjama, vous mettre en pyjama, j’en ai marre, marre, marre!

Un silence tombe dans la chambre des grands. Le mobile à montgolfières, les autocollants de de camions et tous les dessins colorés et appliqués dont Grand adore décorer ses murs, semblent baisser la tête, penauds comme mes garçons. Je me sens toujours coupable de me fâcher mais j’avoue que ce soir, je trouve ma gronderie parfaitement justifiée. Y a-t-il pire moment pour son amour maternel que la sortie du bain? Quand je n’ai qu’une envie, qu’on passe au moment calme, à la lecture, au coucher et que mes enfants décident, eux, que c’est le meilleur moment pour faire des courses-poursuites tout nus, pour tenter des acrobaties sur les lits, pour se chamailler aux cris de popotin-caca-prout-pipi? Y a-t-il pire que les contorsions auxquelles je m’astreins pour arriver à enfiler une jambe de pantalon de pyjama sur Milieu pendant qu’il gigote, pour enfiler l’autre jambe sans succès et l’enfiler dans la première jambe et enlever la deuxième jambe de la première en criant “mais arrête de bouger”? Y a-t-il plus insupportable que la période pipi-caca-prout de mes garçons, période à la longévité exceptionnelle? À peine le silence installé que les garçons repartent de plus belle:

- Caca! Milieu, tu es popo!

- Grand, toi caca, toi popo-caca!

- Les garçons, on arrête!

- On arrête le caca, ou on arrête le popo, Maman?

- Maman est caca-pipi!

Leur hilarité est de courte durée car ma durite est déjà bien fondue: 

- Marre, marre, marre, arrêtez ça tout de suite, vos cacas, pipis, popos, là, je n’en peux plus!

Les garçons se calment tout de suite. Je me suis fait entendre. Enfin. Ça ne tiendra pas jusqu’à demain, mais au moins pour ce soir, je peux dire bonne nuit à Caca, Pipi et Prout. D’ailleurs, je retrouve mes garçons, mes doux garçons qui, dès que ma voix est revenue à la normale, ont échangé un clin d’œil complice et sont allés chercher, sur la petite table bleue dans la pièce voisine, des dessins qu’ils faisaient avec application un peu plus tôt dans la soirée. Grand s’était même écrié, alors que je passais non loin: “Regarde pas, Maman, c’est une surprise!”

Mes deux garçons sont donc allés chercher leurs œuvres qu’ils me tendent fièrement en revenant. Ils sont bien beaux, ces dessins, pleins de couleurs, de bonne volonté, de mignonnerie, pleins aussi de lettres, de petits mots que mon aîné, heureux élève de CP, adore écrire dans toutes ses productions. Avant d’avoir regardé de près, je suis déjà toute réconciliée avec mes idiots de fils. Je m’ébahis devant tant d’application, de créativité, d’inventivité: mes garçons ont tracé le contour de leurs mains au feutre noir et ont peint l’intérieur des silhouettes aux couleurs de l’arc en ciel. C’est drôlement joli! Et toi, Milieu, tu as mis tes deux mains! Et ici, dans le pouce, tu as dessiné une étoile, whaou! Et toi, Grand? 

Dans son œuvre, faite avec concentration et désir de bien faire, sur ce dessin dans les tons verts et jaunes, Grand a écrit, avec beaucoup d’application, entre deux lignes bien droites qu’il a tracées à la règle, dans le pouce, le petit doigt, et surtout le majeur, fier comme un coq et droit dans ses bottes, de sa meilleure écriture, “PIPI”, “PROUT” et “KK”.


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