Le Titanic

 

Batailles choisies #487

Laisser entrer le Titanic dans sa vie de famille, en frissonner avec ses enfants… 🚢


 

Mes enfants et moi sommes fascinés par le Titanic. Comment nous sommes entrés dans cette spirale, je ne sais pas vraiment, mais toujours est-il qu’après avoir raconté à grands traits le désastre, après avoir emprunté un livre à la bibliothèque, après avoir regardé des extraits du film préféré de mon adolescence, après avoir regardé des reconstitutions 3D du naufrage ou des analyses des positions des débris sur le fond marin, nous voici arrivés à bon port: tous les soirs, Grand et Milieu me demandent si on va pouvoir regarder, quand Papa sera en train d’endormir Dernier, des vidéos du Titanic, hein Maman, s’il te plaît, s’il te plaît, s’il te plaît?

J'oscille entre la culpabilité de faire exister dans l’esprit de mes bambins des faits si tragiques, et sans doute pas adaptés à leur âge et le sentiment qu’il n’y a rien de mal à assouvir la curiosité de mes enfants, qu’il faut bien enrichir le monde en grandissant, fût-ce avec des idées loin du pays joyeux des enfants heureux. La curiosité, le plaisir de comprendre, l’envie irrépressible de poser des questions, sont de puissants guides et de réels cadeaux. Et puis, bon, si je suis honnête, si je dis les choses comme je les vis, hein, j’adore l’histoire du Titanic. Quand on est parents, on a bien le droit de faire monter ses enfants sur ses propres dadas, non?   

Il faut dire aussi, pour ma défense, que tout est fascinant dans le Titanic. Tout est grand, de son tonnage à son naufrage, de sa perte à sa découverte! Un des plus grands paquebots jamais construits, de plus de trente mètres de hauteur du premier pont jusqu’à la quille… Un luxe formidable, dont la grande descente, escalier à double volée, en bois sculpté, en est une magistrale illustration… L'hubris humain à son comble, d’un navire prétendument insubmersible, qu’on a voulu toujours plus rapide, toujours plus gigantesque… Des histoires mythiques et d’une infinie tristesse, de sacrifices, de familles brisées à jamais… Des gestes héroïques de grandes âmes… Une des plus terribles catastrophes maritimes du siècle, qui a coûté la vie à plus de 1500 personnes et n’en a épargné que 700! Une profondeur colossale de presque 4000 mètres séparant l’épave de la surface…

Les garçons l’ont bien compris, qui m’assaillent de questions sur les survivants et les perdus en mer; sur la sensation de milliers de poignards s'enfonçant dans le corps et l’eau glacée qui la crée; sur le capitaine et les simples membres d’équipage; sur l’état de l’épave et les objets qui gisent sur le fond marin. Nous vivons ensemble une expérience cathartique, douce et sombre, profondément empathique et apprenante, à nous imaginer à bord, à imaginer ce qu’on aurait fait et ce qui nous serait arrivé.  


Alors ce soir encore, pendant que nous regardons la vidéo projetée sur toute la longueur du mur, au son de métaux gémissants et de désespérés appelant à l’aide, pendant que derrière une porte puis une autre, je perçois les gazouillis de Dernier, que son père endort difficilement, pendant que nous sommes au chaud dans le lit, collés tous les trois, pendant que nous regardons, fascinés, tout ce qu’il y a dans cette histoire de grand, de gigantesque, de formidable, de terrible, d’héroïque, de titanesque en bref, je remercie la vie de m’offrir, avec mes petits humains, ses plaisirs minuscules.


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