Terrible

 

Batailles choisies #567

Terrible - emprunté au latin “terribilis”, signifiant “effrayant, épouvantable”; qui inspire la terreur; qui est d’une violence et d’une intensité extrêmes. 😰


 

Dernier pleure de toutes ses forces, se roule sur le sol de la chambre, tape des pieds et des poings en criant Papa, Papa, Papa. Il mouille la moquette de ses larmes, va chercher dans le plus aigu de ses hurlements, de ceux qui aiguillent la chair et pénètrent jusqu’aux os

C’est terrible de sentir siphonner son sang et son amour maternel.

C’est encore plus terrible de sentir à leur place monter la haine.


Je suis chez ma belle-mère avec Dernier, Mari s’occupe chez nous des grands, l’un invité à un anniversaire, l’autre invité chez un ami. Ça va nous faire du bien à tous de changer de rythme, de n’être pas tous les cinq, de se partager. Sauf que Dernier ne comprend pas bien pourquoi il est chez Abuelita sans son père. Quand il était dehors et qu’il jouait, il n’y avait pas de problème, mais maintenant qu’il est dans la chambre, qu’il commence à être fatigué, les tensions déchargent, les peurs et les pleurs surgissent. Dernier est plongé dans une crise de coups de pieds et de poings, hauts cris et hurlements plus hauts encore. Petit à petit, à chaque minute qui passe, je sens s’enraciner des sentiments qui me font peur, je sens monter des accès de violence, j’ai envie de lui hurler au visage, j’ai envie de le frapper, je sens qu’ont été convoquées les déesses de toutes les rages, les colères divines, les Harpies, les Méduses, les Médées et j’ai peur d’être complètement emportée par cette haine de mon enfant, par le sentiment d'impuissance qui étouffe tout calme et toute logique, par le sentiment de rage froide qui gèle mon cœur et me glace les os

C’est terrible de vouloir que son enfant n’existe plus.

C’est encore plus terrible de devenir Faust. 

 

Je négocie avec moi-même, fais toutes sortes de pactes, attends un peu qu’il arrête de pleurer, surtout ne le mets pas de force dans le lit, de ce genre de batailles, tu sors toujours perdante, compte jusqu’à dix, écoute les oiseaux dehors, garde le silence, ne bouge pas, respire calmement, n’existe pas, fais-toi toute petite.

C’est terrible cette pression de devoir prendre sur soi.

C’est encore plus terrible de savoir que le moindre raté de sieste déclenchera une réaction en chaîne, aura des conséquences néfastes sur l’humeur de tous, et qu’il faut accepter de disparaître pour le bien de tous. 


Mon Dernier a deux ans et quatre mois. Il enchaîne les crises, nous écrase de sa volonté têtue, crie au lieu de parler, pleure au lieu de demander, frappe, résiste, et face à lui, on ne peut qu’endurer, supporter stoïquement l’effrayante prison qui durera encore six ou huit mois peut-être.


Deux ans et quatre mois. 

C’est l’âge terrible.

Et c’est terriblement long d’attendre que son dernier enfant grandisse

Et c’est terrible que Dernier n’ait que cette mère-là, épuisée, à bout d’être mère, médéante et médusée.


Batailles en vrac⭣

Batailles rangées⭣