Le train-train
 

Batailles choisies #430

19h37. Les enfants font le jeu du train pendant que je lutte pour leur enfiler un pyjama récalcitrant… crispation parentale, mille millions de mille sabords, exemple 2658. 🚞


 

C’est drôle comme, parfois, les choses se goupillent… 

À la bibliothèque de l’école, Grand a emprunté pour la première fois une BD de Tintin, Tintin et Le Temple du soleil. Tout impatient, d’autant plus excité que ma réaction quand il me l’a montrée a été de m’exclamer “Oh! Tintin! Mais c’est toute mon enfance, ça!”, il me demande de lire sa trouvaille à peine rentrés à la maison. Blottis sur le canapé, nous partons à l’aventure! Ils sont si doux, ces moments de partage, de découverte, ces moments où mes souvenirs d’enfance se mêlent aux souvenirs qui se fabriquent en direct, chez mes garçons! Grand et Milieu ont des questions sur le bord des lèvres et au bout de toutes les pages, désignant le bateau, les lamas, les couleurs vives des costumes, les chapeaux rigolos des Dupont et Dupond, et puis le train. Comment oublier cette aventure de Tintin, ce train qui grimpe dans les Andes, ce dernier wagon où ont pris place le reporter, son fidèle Milou et son non moins fidèle Capitaine Haddock, dernier wagon saboté qui dévale les rails et dont il faut sauter en marche pour échapper à la mort! Ça me rappelle d’ailleurs… oui, il me semble bien que c’est cette scène qu’il y a au générique d’une adaptation qui passait sur FR3, quand j’avais une huitaine d’années! Mythique, cette scène, accompagnée d’une musique tout aussi mémorable… Rata-ta tata-ta tata-ta tata-ta, Pom pom pôôm, pom, pom pom, pooooom, rata-ta-ta-ta-ta, pom pom pom, pom popopooom! Désolée mes doux, c’est l’heure d’aller chercher Dernier à la crèche. On finit ce soir, d’accord?


Au retour de la crèche, j’entre à pleine vitesse, mais toujours avec une crédulité attendrissante, m’étonnant qu’il soit là, à m’attendre, chaque soir, dans le terrible tunnel dîner-bain-dodo. Allez, stop, finies les disputes, on dîne, allez, on range, allez, mais arrêtez de vous disputer, c’est insupportable, allez, il y a des jouets partout, non, arrêtez de vous embêter, stop, pas de gestes brusques, pas de disputes, ça suffit! Les grands, les grands, plus de chamailleries, écoutez, écoutez, écoutez, Papa est parti coucher Dernier, c’est super, quelle chance: il est tôt! On prend la douche rapidement, on se lave les dents rapidement aussi, comme ça, j’aurai le temps de continuer à lire Tintin! Vous vous rappelez, on en était au train? Au wagon qui allait se décrocher! Allez, les enfants, on se déshabille.


Parmi les frustrations, quotidiennes, de la vie de parent, il en est une qui est particulièrement mordante, tirant sur la corde de la patience et y enfonçant ses dents aiguisées: quand c’est l’heure de jouer, les enfants se disputent, et quand c’est l’heure de se coucher, les enfants s’adorent et font les 400 coups. Ce soir encore, c’est le cas. Dès que le signal de la douche est sonné, Grand et Milieu cessent leurs chamailleries et se déshabillent en hurlant et en riant, jettent en l’air leurs vêtements pour qu’ils retombent parfaitement éparpillés sur le sol de leur chambre, avant de partir en faisant le petit train, un de leurs jeux préférés, viens, Milieu, viens, accroche-toi à ma taille, on va faire le petit tchou-tchou, le p’tit tchou-tchou!

Évidemment, Grand et Milieu font les fous jusqu’à la douche, font les fous dans la douche, hurlent en imitant la cheminée, hilares, continuent à faire le train, le p’tit train, le p’tit train, tout mouillés alors que je leur cours après avec une serviette, tout bruyants alors que je les invective de “chhh” et de “shhhh” parce que Dernier s’endort. Non, mais arrêtez, arrêtez, allez, vous ferez le petit train demain, là, c’est pénible, arrêtez de bouger, non, reste là, Grand, tu arrêtes de faire la locomotive, Milieu ne bouge plus, allez, une jambe de pyjama enfilée, une jambe enlevée parce que le train est reparti et que je cours après avec ridicule et sans efficacité, le p’tit train-train, le tchou-tchou ce sera pour demain, arrêtez les enfants! On avait dit qu’on lirait Tintin, vous vous rappelez? Oh les chenapans, les bandits, les marins d’eau douce, ils n’en ont rien à faire, ils continuent à faire le tchou-tchou alors que je n’ai même pas réussi à enfiler un pyjama en entier, qu’il y a des vêtements et des serviettes partout par terre, qu’il manque encore le lavage de dents, ah non, ça y est, c’est le départ, c’est le départ du tchou-tchou, oh tonnerre de Brest, le trajet bain-dents-dodo est plus ardu que le chemin des fer des Andes, ça grimpe, ça grimpe, allez, les enfants, on avait dit qu’on lisait Tintin, pour une fois que j’ai un peu de temps, le soir! Oh, les saboteurs! Oh, je suis en train de dérailler, je me suis fait avoir sur l’échange de dodo, c’est pénible, les enfants, là! Rata-ta tata-ta tata-ta tata-ta, Pom pom pôôm, pom, pom pom, pooooom, rata-ta-ta-ta-ta, pom pom pom, pom popopooom! 

Tintin, Tintin, s’il te plaît, ne pourrait-on pas échanger, juste pour ce soir, toi et moi, de petit train-train?


Batailles en vrac⭣

Batailles rangées⭣

Feuilles d’automne
 

Batailles choisies #429

Sortir tous les soirs faire quelques pas dans ma rue et regarder Dernier découvrir la joie des feuilles mortes. 🍂


 

Les platanes de ma rue ont commencé à perdre leurs feuilles. Quelques vertes s’accrochent encore aux branches, mais des tas de feuilles mortes jonchent le bitume, s’envolent dans le vent du soir et craquent sous les roues des voitures.

Déjà s’approche la fin du mois d’avril? Comme le temps passe… Déjà une année depuis le dernier automne? Et quel automne! Il y a tout juste un an, j’étais chez ma belle-mère, confinée avec mari et trois enfants, dont Dernier qui avait quatre mois tout juste. J’ai passé deux mois dehors, tous les jours, à occuper les gamins, à courir de l’un à l’autre, de la sieste de Dernier à la classe virtuelle de Grand et au goûter de Milieu. J’ai regardé la nature changer, les érables rougir, les feuilles tomber. C’était beau, c’était une chance d’être dehors, d’être au grand air. C’était aussi une période terrible, d’épuisement, d’incertitude, de compromis constants, une période sombre sous un soleil d’automne radieux. 


Le mois d’avril chez moi, dans mon quartier urbanisé, n’a pas le même air de fraîcheur, de solitude, de parenthèse qu’à la campagne, mais il est doux. Il est surtout, pour Dernier, follement amusant. Dernier n’a plus aucune intention de rester à l’intérieur avec ses jouets, il n’a qu’une envie: sortir, marcher, utiliser cette station debout et ces pas qui l’amènent au bout du monde (de la rue, et même de la suivante car on n’a peur de rien). Dernier marche avec la sécurité de son âge: il a cette posture du corps que je trouve si attendrissante, la poitrine bombée et lancée en avant, les fesses en retard sur le reste du corps, les jambes jetées avec conviction. Il marche comme si on lui avait mis une tape dans le dos pour le faire démarrer et qu’il n’était pas vraiment capable de s’arrêter, allant de l’avant presque à son insu. En réalité, non, ce n’est pas à son insu, bien entendu: c’est à son su, avec tous ses efforts et avec une joie gazouillante qu’il avance ainsi, droit vers le tas de feuilles mortes qu’il a repéré! Il découvre le bruit et la sensation du craquement. Il piétine avec bonheur le tas, puis se rend compte qu’il y a un autre tas là-bas, puis un autre encore, puis un quatrième, quelle chance alors… 


L’automne est une si belle saison pour les enfants…

À l’année prochaine, feuilles d’automne, pour le cadeau du bruit et de la couleur à mon Dernier quand il aura deux ans - déjà!


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