Noël: 0 - Pâques: 1
 

Batailles choisies #428

Noël? Vade Retro! Pâques? Veni qui! 😋


 

Je déteste Noël. Je déteste, pour être exacte, ce Noël ultra-commercial que je suis obligée de fêter chaque année. Je déteste qu’on menace des gosses de janvier à décembre pour qu’ils mangent des brocolis, sinon le père Noël ne va pas passer, hein. Je déteste la surenchère de cadeaux dont les enfants se foutent et que les adultes investissent avec une sorte de furie ridicule. Je déteste qu’on se mette la pression pour dénicher des cadeaux parfaits alors que les enfants joueront surtout avec la boîte d’emballage. Je déteste devoir faire de la place chez moi pour amener tous ces trucs inutiles qui n’entrent dans aucune boîte à jouets. Je déteste, en gros, qu’on achète pour ses enfants des merdouilles fabriquées par d’autres enfants à l’autre bout du monde et que l’on s’ébaubisse et que l’on trouve ce jour merveilleux et magique.

Dans ma belle-famille, on m’appelle la Grinch. La Grinch n’aime pas Noël.


En revanche… la Grinch aime bien Pâques. Pâques, non, ça ne me dérange pas. C’est plutôt sympa comme fête, on va faire quoi pour les enfants, cette année?

- Tu veux fêter Pâques, toi? Et la commercialisation, l’exploitation des pauvres, tout ça?

- Non, mais bon, Pâques, c’est différent…

- Ah?

- Oui, déjà, c’est beaucoup moins de charge mentale pour l’organisation. En plus, un lapin, c’est mignon et c’est quand même plus logique que le voyageur de Pôle Nord en plein hémisphère Sud par 35 degrés.

- Et… tu peux manger du chocolat, c’est ça?

- Quoi? On m’accuse d’indulgence pour cette fête qui ne vaut pas mieux que l’autre par amour pour le chocolat? Comment osez-vous? 


Cette année, comme chaque année, le lapin a esquivé les terribles chiennes de ma belle-mère et est passé dans son terrain à la campagne. Il a grimpé dans la balançoire, a déposé un nid plein de petits œufs dans la cabane, sur le bidon près du garage, dans un arbre et dans le potager. Mes deux grands reviennent ravis avec leur butin de chasse qu’ils me montrent fièrement: deux petits sacs pleins! 

- Bravo les enfants! Vous êtes trop forts! Par contre, dis-je en prenant mon air de maman à la fermeté mille fois éprouvée mais jamais percée, on en mange deux chacun, et on range le sac. Non, non, on ne discute pas! Allez, deux et hop, allez vous-en!


Puisque mes enfants sont partis jouer, j’ai tout loisir de ranger les sacs bien en hauteur. Et avant cela… manger un chocolat, juste un petit… miam! Je plonge la main dans le sac et en prends un autre, de toute façon, il y en trop, ce n’est pas bon pour la santé. Bon, deux, ils étaient tout petits… trois, quatre, et puis zut, j’en prends encore dans le sac de Milieu qui ne sait, heureusement, pas encore compter. Six, sept, je crois que j’ai mérité, allez, au moins trois chocolats par enfant que j’ai fabriqué et que je supporte au quotidien. Grand? Non, rien, je ne fais rien. Tu joues aux Lego dans la salle de jeux? Très bien, très bien. Ton frère? Non, je ne sais pas. Attends, je le cherche. Milieu, Milieu?


Dans la chambre de ma belle-mère, qui fait une sorte d’aile séparée de la maison, là, au fond, entre le lit et l’alcôve, je retrouve Milieu. Il avait fourré dans ses poches des petits œufs en chocolat et était en train de se délecter en cachette de son larcin. À son âge, on ne ment pas encore. Il me regarde donc avec un grand sourire plein de chocolat et me montre fièrement tous les œufs qu’il a chapardés.

Toute Maman qui se respecte ferait, pour le principe, des remontrances et des gronderies. Je ferme la porte, m’approche, m’assois doucement à côté de lui et lui demande:

Milieu, mon chou, tu m’en donnes un ou deux?


Batailles en vrac⭣

Batailles rangées⭣

Tout ou rien
 

Batailles choisies #427

Une angoisse d’écrivaine, que je maintenais à distance, vient me prendre aux tripes cette semaine: vais-je pouvoir continuer à écrire, en menant la vie que je mène? 🌊


 

Avec la reprise du travail, écrire devient difficile. J’ai, certes, plus de temps seule, sans mes enfants, mais je suis dispersée entre mon métier de prof, mes enfants, ma vie quotidienne. Le fil rouge de ma vie ces deux dernières années, qui était coûte que coûte d’écrire, auquel je me suis accrochée avec acharnement me semble, certains jours, certaines semaines, bien fragile. 

Il y a deux semaines, par exemple: je vois que tenir mon blog va être, précisément, intenable - trop de copies, trop de cours, trop d’écriture sur un autre projet. Je me dis que, pour mon bien, je n’écrirai pas cette semaine.


Lundi, je m’en mords les doigts! J’ai plein d’idées pour des billets, en enfilant les chaussures de Milieu, tiens, il faut que j’y pense, en dévalant l’avenue à vélo avec Dernier, parler de cette sonnerie qui me pèse et me libère, tiens, à la récréation, je vais noter qu’hier soir, Grand, avec un soupir plein de responsabilité, est allé tenir compagnie à son frère dans son lit pour qu’il s’endorme.

Mardi, j’ai des idées et de l’espoir, ce matin, je devrais avoir le temps de les noter entre deux cours, quand Milieu m’a dit avec son air coquin d’aller dans le jardin, Maman, vas-y, dans le jardin, avant d’essayer de chaparder un yaourt pourtant clairement interdit, comme s’il me disait Maman, va voir dans le jardin si j’y suis, dans une inversion des rôles assez comique. 

Mercredi, je me demande de quoi je pourrais parler, ce matin, en enfilant avec beaucoup de difficulté des petites chaussettes, je me suis dit quelque chose, je me souviens, j’ai pensé qu’il fallait que j’écrive quelque chose… c’était sur les chaussettes… mais quoi, déjà?

Jeudi, bon, ce week-end peut-être?

Vendredi: rien.

Cette semaine, je n’ai pas écrit un mot, et je n’ai même pas réussi à prendre de l’avance en écrivant pour la semaine prochaine! Semaine blanche, page blanche, choux blanc, c’est terrible.

Pire que n’avoir rien écrit, j’ai l’impression de n’avoir pas vu ce que je vois et ai envie de raconter d’habitude: je n’aurais donc, cette semaine passée, ni douté, ni aimé, ni pensé? C’est précisément pour ça que j’écris: pour que ma vie de mère reste, qu’elle devienne un matériau, qu’elle puisse entrer en littérature, qu’elle puisse exister hors de l’intimité d’un foyer, qu’elle fasse sens. J’ai absolument besoin de cette réflexivité sinon j’ai l’impression de vivre une vie parfaitement absurde, faite d’une suite ingrate de tâches domestiques et parentales sans âme, sans beauté, sans terreur. 


Écrire, pour moi, c’est avant tout m’astreindre à écrire régulièrement: si, tous les jours, je dois trouver quelque chose à écrire, alors je regarde mes jours avec une curiosité, une fraîcheur, une âme d’écrivaine. Une semaine sans écrire, et je ne sais plus écrire, pire, je ne sais plus regarder. Et je me sens asséchée. Cette écriture régulière, dans laquelle je me suis lancée au pire moment pour ma vie de famille, au moment du premier confinement, est une bouée pour moi: elle me guide, elle me permet de surnager, autant qu’elle donne à tout ce qui risque sinon  de couler dans l’oubli une plateforme où s’accrocher.

Il me faudra donc tout écrire, des plus petites disputes aux plus grandes joies, ou ne rien écrire et ne plus rien vivre. Il me faut donc me débrouiller avec mes vies parallèles et garder un temps, absolument, pour me pencher sur les fronts de mes enfants, y poser des baisers et y voler des billets.


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