Nos dialogues intérieurs 
 

Batailles choisies #442

Dans la série “les enfants, nos maîtres”, j’apprends en écoutant Grand se parler à lui-même qu’il est normal d’avoir l’impression de ne pas savoir interagir avec les gens. ☺️


 

Je coupe le moteur. C’est bien ici, la maison 21. Ce soir, je suis invitée à un apéro-dînatoire avec les parents d’élèves de la classe de Milieu. Une occasion de faire connaissance, après ces années de pandémie. Oh la la! Mais je me sens toujours si mal à l’aise dans ce genre de soirées… Parler avec des gens, c’est terrible, j’ai l’impression de dire n’importe quoi tout le temps…

J’ai longtemps cru que j’étais une fille bizarre parce que je me parlais à moi-même. À l’adolescence, je me souviens avoir eu honte de parler dans ma tête à mes amis, de me raconter des histoires, m’encourager ou m’entraîner à faire des blagues, de donner les bonnes réponses en classe ou demander à Madame Yvenot si sa fille pouvait venir au cinéma. C’est seulement au début de l’âge adulte que j’ai compris que c’était un fonctionnement normal et même bénéfique, que tout le monde se parlait à soi-même. Et c’est maintenant que je suis mère que je peux observer et entendre, avec tendresse et avec une curiosité amusée, mes enfants se parler à eux-mêmes. J’adore en particulier écouter Grand qui s’encourage, répète des petites scènes qu’il a vécues à l’école, chantonne, récite ses dessins animés préférés. Je souris d’entendre ce mélange cérébral qu’on a tous appris à taire et sur lequel j’ai la chance, en tant que maman, d’avoir une fenêtre. 

Ce que j’aime le plus, je dois dire, c’est quand il s’entraîne à haute voix à des situations sociales, qu’il répète les oh et les ah qu’il s’imagine s’exclamer quand on lui offre un cadeau, dit les choses avec le ton de l’enthousiasme communicatif qui le caractérise. Ce matin, par exemple, je lui propose d’aller demander à son amie J. qui vit au bout de la rue si elle veut venir jouer à la maison. Pendant qu’on se dirige à grands pas vers sa maison, je l’entends se parlant tout bas: Euh, tu veux venir, euh, tu voudrais venir, chez moi, j’ai des gâteaux, ou peut-être cet après-midi, oh, super J., des gâteaux roses, faire des jeux, oh, oui, merci viens, tu pourras gagner, c’est super. 

On arrive devant la maison, je laisse Grand aller demander - il a l’âge et doit apprendre à le faire tout seul. La maman de J. ouvre la porte, Grand dit timidement en regardant le bout de ses chaussures, dans un seul souffle: bonjour est-ce que J. veut venir à la maison j’ai des gâteaux roses et des jeux. La sympathique maman va demander à sa fille dont la réponse joyeuse criée de l’autre bout de la maison s’entend jusqu’au dehors. Grand et elle passent devant moi en courant. J’ai à peine le temps d’entendre mon fils lui crier qu’il a des gâteaux et des jeux et que c’est génial.

S’entraîner à des situations sociales est donc une des fonctions les plus naturelles du dialogue intérieur, et pas la preuve de ma timidité et de ma maladresse d’adolescente! Je sais que c’est un cliché, mais on apprend beaucoup en regardant ses enfants. Avoir des enfants, c’est retrouver, au milieu du bruit du monde, ce qui est profondément humain - c’est un vrai cadeau.

  

Allez, la maison 21, d’autres parents sont déjà arrivés. Tu ne connais personne mais tu trouveras bien quelque chose pour briser la glace non? Bonjour, non bonsoir, je suis la maman de Milieu! Oui, un accent, oui, je suis française, je me dénonce dès que j’ouvre la bouche, hein! Et sans alcool, s’il vous plaît.


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Bonne fête!
 

Batailles choisies #441

Dimanche dernier, ici, c’était la fête des mères. C’était comment? Trop de minutes et pas assez de chocolats. ⏰


 

Je descends, cheveux en bataille, pyjama en pilou encore moite de la transpiration de la nuit et grand sourire faux accroché aux lèvres. Les enfants m’ont appelée de leurs voix toutes joyeuses et heureuses: “Maman! Maman! Viens! On a des cadeaux pour toi!”

Au Chili, dimanche dernier, c’était la fête des mères. Je n’aimerai vraiment la fête des mères que lorsque je pourrai demander (et espérer avoir) une grasse matinée et un petit-déjeuner au lit avec un grand café au lait bien chaud que je boirai à petites gorgées tranquillement. Autant dire que je n’aime pas la fête des mères dans sa version actuelle qui consiste à se lever aux aurores pour avoir des cadeaux moches. Quoi qu’il en soit, j’arrive en bas et je m’ébahis de tous les présents merveilleux auxquels j’ai droit cette année. 

Grand m’offre de beaux (tout est relatif) dessins encadrés, Milieu m’offre fièrement un gribouillis (terme technique) et Dernier m’offre des chocolats dans une superbe boîte cadeau. Les oh! et les ah! admiratifs leur vont droit au cœur et sont bien évidemment adressés à mon mari qui s’est occupé de trouver ou d’emballer les cadeaux et qui m’offre également des t-shirts rigolos (tout est relatif) estampillés “super-maman”. Pour une fête des mères, je dois avouer que le ratio chocolats-bidules inutiles est en ma faveur cette année. Je suis donc plutôt satisfaite… surtout que la boîte de chocolats est magnifique, dans son élégant écrin brun et rouge, avec sa variété de chocolats fourrés, de carrés blancs, noirs, au lait ou roses, de truffes, de croquants aux amandes. Oh… mon mari sait ce que j’aime… quels délices dont je me réjouis d’avance! 

Vient le temps des bisous, des mercis, de l’amour filial. Il existe un dicton qui dit que la liesse familiale dure moins que l’écume. Enfin, non, ce dicton n’existe pas mais il devrait, car la liesse d’une famille de cinq un dimanche matin passe vite

Dernier s’est réveillé à 5h30 ce matin.

C’est un temps d’automne horrible, le ciel est bas, il fait froid, il bruine.

Je dois âprement négocier combien de chocolats je vais devoir lâcher pour mes enfants qui eux ne me lâchent pas les basques et demandent à regarder la belle boîte toutes les trois minutes. 

Lorsqu’ils passent à autre chose, les grands ont tôt fait de se chamailler.

Mon thé est tiède. Dernier arrache les pages d’un livre.

Ça va être long. 

L’horloge du micro-ondes, alors que je n’en peux déjà plus, indique marâtrement 8h32

8h32… du matin?

Je détourne mon regard de cette affreuse sorcière et me rabats sur le placard tout en haut, où j’ai caché la boîte de chocolats que je sais belle, fondante, à peine entamée… 

8h34, maintenant. 

Je ne suis pas certaine qu’il y ait assez de chocolats pour tenir jusqu’au goûter.


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