Tour gratuit
 

Batailles choisies #540

Où on apprend que l’amour mère-fils ne dure pas trois ans mais deux semaines.  🎲


 

Les journées roulent avec une organisation au top: je récupère Dernier de la crèche à 13h, les grands du centre aéré à 13h15, Dernier s’endort sur le trajet de retour, les grands et moi déjeunons, puis je profite d’une petite heure de travail pendant que les grands font des cabanes dans le jardin ou regardent une bêtise télévisée de culpabilité acceptable. Quand je suis prête à replonger dans les tours de piste comme dans une prévisiblement interminable partie de Monopoly, alors je réveille Dernier et la journée se poursuit, se déroule, se termine, tout en douceur. Parfait. Avec une telle organisation en ce moment, je kiffe mon aîné, mon fils du milieu est adorable et j’aime follement Dernier, qui n’est pas si fatiguant. 


Sauf qu’en parentalité, il existe une règle, une règle d’or. Je la connais bien car elle a sévi plus d’une fois dans ma vie. Il semble pourtant que j’aime l’oublier, histoire d’avoir le plaisir de tomber de l’armoire. La fameuse et importantissime règle à garder par devers soi est donc: les organisations au top durent deux semaines. 

Aujourd’hui sonne donc le glas de mes journées qui se passent comme sur des roulettes. Aujourd’hui donne donc le top départ à une belle glissade sur la piste de patinage. 


Dernier est bien endormi dans la voiture, oui, mais, c’est le prochain lancer de dé et c’est un bien mauvais coup: au moment où je prends mon bébé, au moment où je le soulève le plus délicatement possible de son siège auto, en me contorsionnant, Dernier geint, gémit, gigote. Et Dernier se réveille. Je tente tout ce que je peux pour le rendormir, mais c’est impossible: les deux semaines ont sonné et mon organisation au top vient de se transformer en citrouille. 

Le reste de la journée est terrifiant de colère, de frustration, d’exaspération. Je déteste les siestes qui foirent et leurs conséquences d’enfants énervés et de mamans pire encore. Je perds toute perspective, toute nonchalance, toute gaieté. Je grignote la fin de la journée à force de plans et de minutes jusqu’à la peut-être sieste prochaine, parce qu’il faut qu’il dorme, à tout prix. Toutes les cases par lesquelles je passe creusent ma ruine. Je tente de lui faire faire la sieste malgré tout, remonte dans la chambre, lumière tamisée, berceuse, tout le tralala, une fois, une autre, encore un tour, encore un tour pour rien. Pas moyen de faire dormir Dernier. Pas moyen. Pas moyen de tirer la carte chance. Pas moyen de retrouver l’amour pour mon fils. Parce que mon dernier qui, en ne dormant pas, m’enlève du temps pour moi, je ne l’aime pas beaucoup.


Toujours énervée, je pars faire quelques courses en mettant les enfants dans la voiture. À mon exaspération de voir ma deuxième partie de journée foutue en l’air s’ajoute la culpabilité de prendre la voiture, de polluer pour occuper mes enfants. Moi qui ai essayé de mon mieux de me déplacer à vélo pour ce même trajet… Tant pis pour l’empreinte carbone. Il faut qu’il dorme.

Un tour de quartier.

Un autre tour.

Ses paupières sont lourdes mais il résiste.

Encore un tour.

Encore un tour dans ma tête, des options, des plans A, B, C, des moins pires et des plus tenables.

Encore un tour.

Ses yeux se ferment.

Ouf. Carte sortie de prison, de ma prison d’énervement, de sa prison de fatigue.


Retour à la maison.

Retour à la case départ.

Et les deux prochaines semaines, comment les jouer? 

Alea jacta est.


Batailles en vrac⭣

Batailles rangées⭣

Éclats (de rire)
 

Batailles choisies #539

Mes enfants éclatent de rire et malgré toute ma patience et ma bienveillance, j’ai envie de leur éclater la tête contre le mur.  💥


 

- La danse du popotin, la danse du popotin, la danse du popotin!

- Grand, allez, sèche-toi, Milieu, allez, en pyjama, les grands, allez, les dents!

À cette heure, chaque minute perdue retarde le coucher tant attendu.

À cette heure, Grand et Milieu débordent d’amour l’un pour l’autre.

À cette heure, rien ne les amuse plus tous les deux que de faire fi de toutes mes demandes en se dandinant et en se racontant les pires bêtises en riant comme des baleines.

- Les garçons, sortez de la douche!

- La douche du popotin!

- Les garçons, les dents!

- Les dents du popotin!

- Les garçons, vous avez laissé de l’eau partout! Je vous ai dit mille fois de bien vous essuyer les pieds!

- Il y a de l’eau partout parce qu’on a fait pipi!

- Oui, pipi et popotin!

- Les garçons, ça suffit!

Grand et Milieu, tout à leur joie, se mettent à courir, toujours en refusant de se mettre en pyjama, enchaînant donc avec la danse des zizis puisqu’ils se mettent à sauter sur mon lit et à se pourchasser en hurlant de rire, dans un rare, magique et particulièrement énervant moment de complicité entre frères.


Pourquoi se détestent-ils à 15 heures, quand ce serait vraiment chouette qu’ils jouent ensemble aux Legos, aussi à 16 heures, quand vient l’heure de partager le goûter, également à 17 heures quand la partie de Monopoly finit par un grand jeté de cartes chance, autant qu’à 18 heures quand il faut ranger et que chaque jouet vient remplir des comptes d’apothicaire, il en a rangé qu’un, j’en ai rangé deux, moi j’ai pas sorti la voiture, moi je range pas le camion, encore à 19 heures quand il faut mettre la table, toujours à 19h30 quand il faut la débarrasser, kill me now à 19h45 quand vient le moment de remettre le jardin en ordre. Non. Apparemment, à ces horaires-là, mes aînés ne s’aiment pas et n’aiment pas jouer ensemble. Non, Grand et Milieu n’aiment jouer ensemble qu’à partir de 20h30, quand ce n’est plus l’heure de jouer.   


J’aimerais profiter de cette scène joyeuse. J’aimerais me réjouir de l’entente délicieuse, fraîche et naïve qu’il y a entre les enfants que j’ai mis au monde. Qu’il est beau, l’éclat de rire de mon deuxième! Cristallin et coquin tout à la fois, il me fait fondre le cœur… mais il me fait serrer les poings parce que bon, son rire est choupi mais ça fait trois fois que je lui dis de se sécher, quatre de se mettre en pyjama, cinq de se laver les dents, six qu’il est tard, sept que je vais leur lire un livre, huit que ça suffit, neuf que zut et dix que mais écoutez-moi!  


Milieu serait un peu plus malléable si Grand ne faisait pas le clown. Grand, qui n’était pas là aujourd’hui, invité à un anniversaire, a décidé de rattraper le temps perdu en faisant hurler son cadet de rire. Je me bats contre des moulins. Ils sont tout à eux-mêmes, et absolument pas à moi, ni au monde extérieur et à ses contraintes pourries caca prout dégueues. Le fossé se creuse de minute en minute entre leur humeur et la mienne.


Je tente d’empêcher mon éclat de voix de couvrir leurs éclats de rire. Faire baisser mon court-bouillon et trouver une stratégie pour rompre leur bulle d’amour fraternel, alors qu’ils ont décidé d’enchaîner avec une course de relais nudiste de la chambre parentale à la chambre d’amis, les éclats de rire résonnant dans tout le deuxième avec la même douceur pour ma patience qu’une craie qui crisse sur un tableau. Je vais laisser éclater ma colère quand… 


Pam!


Milieu, évidemment, a glissé et s’est éclaté contre le rebord de la rambarde. Il a donc pris un gnon. Un de plus. Un pour sa collection de gnons. Il doit en être à une bonne centaine, maintenant, certains marqués au bobo indélébile sur le front, d’autres heureusement effacés par le temps et la régénération cellulaire.

Pam, donc. Ce n’est pas si fort! Ça n’a pas fait si mal! Mais ça fait suffisamment bobo pour arrêter net les éclats de rire ou de colère.

Allez, un peu de réconfort, et j’emmène les clowns tristes se mettre en pyjama puis se laver les dents. 


Au fond de moi, je me réjouis sardoniquement de la chute. Même si, dix secondes après le pam, les rires reprennent… avec les envies d’éclate.

Bien vrai qu’on est une famille qui s'éclate.


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