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Le radeau
 

Batailles choisies #548

Un signe que mon dernier-né grandit et que je sors irrémédiablement d’une longue période difficile de ma vie… Terre! Terre à l’horizon! 🏝


 

C’est un signe clair et net que mon Dernier grandit et que pour moi, la petite enfance, c’est presque fini.


Quoi?


Mais quoi?


Encore un?


Encore un signe?

Encore un billet de blog sur un signe?


Je le sens à travers mon écran d’ordinateur, votre souffle d’exaspération…

 

Combien de posts ai-je écrits sur ce thème? La moindre amélioration, le moindre mot, la moindre nuit complète, finit toujours compilée ici comme la victoire flamboyante d’une chronique de guerre qui d’habitude aligne les défaites.


Oui, encore un post sur un signe tangible que je sors bientôt du tunnel de la petite enfance.  Mais bon, qu’attendez-vous d’un rescapé du radeau de la Méduse? Qu’il parle de la pluie et du beau temps? Non, évidemment. Il ne parlera que du naufrage et des longues semaines de dérive! Ce ne sera pas, non, son seul sujet de conversation, mais celui, sans doute, auquel il reviendra le plus vite, comme un traumatisme, une obsession, un cauchemar.

Car je suis, moi aussi, une naufragée du radeau de la Méduse: moi aussi, j’ai connu les naufrages, le radeau construit à la hâte, les tempêtes, les longues journées où l’espoir chavire, les dissensions internes, la chair brûlée, la soif, le désespoir, la folie qui menace, l’impression qu’on ne s’en sortira pas et même les tentations de cannibalisme, j’ose le confesser…  


Alors, qu’on se le dise, oui, je radote! Et je peux bien, encore une fois, parler d’un énième signe qui n’est pas le dernier mais qui s’en rapproche, qu’on sort de la petite enfance.


Quel signe tangible, me demanderez-vous? 

Quelle preuve irréfutable que la terre est proche?


On a enlevé la barrière de sécurité de l’escalier.

 

On l’a fait parce qu’elle ne servait plus à rien. Dernier sait monter et descendre les escaliers depuis des semaines et la barrière ne sert plus depuis qu’à grincer pendant la nuit et à créer des disputes entre frères, les petits pleurant parce que le Grand, qui est le seul à savoir l’ouvrir, ferme la grille pour les embêter.

La barrière de sécurité démontée est un symbole. Et comme tout symbole, elle dit beaucoup et ne dit rien tout à la fois: pour l’heure, le fait que Dernier puisse monter n’apporte pas grand chose. De toute façon, il veut en général être avec quelqu’un qui soit capable de lui ouvrir la grille. Mais la barrière enlevée veut dire, prouve, démontre, que sous peu, bientôt, bientôt, je dirai “va te laver les dents”, “ va te doucher”, “allez jouer en haut” et que ce sera fait.


Cette grille qu’on enlève, c’est un espace qui apparaît soudainement, c’est la liberté qui point, le soleil après une longue nuit, le printemps après un hiver pluvieux, le bateau qu’on ne croyait plus voir venir, un cri qui perce le désespoir: “Terre à l’horizon!…” 


Alors encore un billet de blog sur un petit signe, oui. 

Excusez-moi, hein, de m’accrocher à l’espoir comme une désespérée à son radeau.


Batailles en vrac⭣

Batailles rangées⭣

Beau jeu
 

Batailles choisies #541

Coucher de soleil sur le Pacifique, difficultés suspendues sur la maternité, roulis des vagues qui me susurre: tu as le droit d’être heureuse d’être mère. 🌊


 

J’ai beau jeu de trouver que le plus dur est passé.

J’ai beau jeu de trouver que mes enfants sont plus tranquilles, plus faciles. 

Évidemment: ce sont les grandes vacances.

Évidemment: on est en week-end à la mer avec mon beau-frère, ma belle-sœur et leur petite.

Évidemment: on est logés dans un confortable quatre pièces en front de mer.

Evidemment: quatre adultes pour quatre enfants, le ratio est aussi agréable que l’appartement.

Évidemment: j’ai pris la décision courageuse et difficile de ne pas avoir l’ambition de travailler, ce qui me laisse toute place et toute tête pour profiter du week-end.

Évidemment: les jours passés, les quatre enfants ont fait une sieste en même temps - un air de miracle flotte donc sur notre week-end. 

J’ai beau jeu, alors, de trouver mes enfants mignons, intéressants, de les trouver autonomes, plutôt capables de s’occuper seuls, de n’oser croire puis de m’ébahir tout de même qu’enfin, c’est pour aujourd’hui, ce moment où les soucis de la petite enfance sont définitivement derrière moi.


C’est la fin d’après-midi. Deux jours merveilleux sont déjà passés. Mes garçons ont profité de l’air marin, ils ont fait des châteaux de sable ou bien des pâtés, dépendant de leur niveau de motricité fine. Ils ont dévalé des dunes en riant. Ils se sont émerveillés d’oiseaux exotiques qu’un parc ornithologique pas très loin pouvait offrir à leurs regards, ont observé avec délices leurs couleurs chatoyantes, moirées, leurs verts, leurs rouges superbes. Ils se sont émerveillés des canards de la lagune d’à côté car les enfants ont l’esprit démocratique et aiment autant les aras que les coincoins de quartier. Ils ont fui, en hurlant de rire, les vagues du Pacifique qui venaient s’écraser avec un doux fracas contre le sable gris et sur leurs pieds. Ils ont tenté de faire voler des cerfs-volants. Ils n’ont pas mangé un seul légume. Ils ont été follement heureux. Et moi aussi, de les voir ainsi.       


Assise sur la terrasse, à 19 heures, je regarde le Pacifique, les bleus de ses vagues, la lumière du soir qui lui donne mille couleurs. Dans le fond, chantonne la mélodie idiote de la télé, qui hypnotise mes enfants pour m'offrir un moment de communion avec l’océan. Le dieu des parents n'existe pas - mais la télé, oui. L’écran est resté éteint tout le week-end, ce qui a emporté toute culpabilité comme du varech repris par l’écume.

Je repense au Pacifique que je voyais quand j’habitais sur la côte, à notre arrivée au Chili. Dans mon roman Litanie Valparaíso, l’océan occupe une place importante, point de mire unique, plein de beauté et plus encore plein de menaces et de dangers. La narratrice, une version de moi-même, mère dépassée, mère éplorée, regarde jour et nuit l’infini bleu, ses questions qui ne trouveront pas de réponses, ses fausses promesses de bonheur, ses déchaînements de malheur. 

Ce n’est plus le même Pacifique que je vois. Il est beau, celui-là. Changeant, mais toujours beau. Et je ne suis plus cette mère-là. Je peux regarder le Pacifique et espérer, souffler, ne revoir que le bonheur, laisser se noyer les difficultés. Je peux ne revoir que mes enfants, choupis et tout doux, fuir les vagues, courir sur la plage, dévaler les dunes de sable gris, se livrer aux plus beaux jeux en famille.


Batailles en vrac⭣

Batailles rangées⭣