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Photos de vacances
 

Batailles choisies #642

Quelques photos de vacances sans image - ah oui, parce que les appareils photos, c’est pas mon truc mais les clichés sous forme de mots, ça oui, en revanche. 📸


 

Un cliché de Milieu et Grand posant devant la tour Eiffel, immense derrière eux, les doigts en V de la victoire, temps nuageux mais sans doute soleil au cœur.


Mon fils aîné qui sourit à côté de son arrière-grand-mère prostrée à nos bras, quatre générations serrées les unes contre les autres, la dernière regardant avec curiosité cette vieille dame, la première perdue dans sa maladie.


Dernier regardant d’un air de grande concentration son camion de pompiers Playmobil flambant neuf, rouge flamboyant, toutes lumières allumées


Les fleurs roses des pommiers de printemps, les vaches noires et blanches broutant tranquilles, et Dernier qui sourit, sur son vélo, au premier plan.


Milieu immortalisé avec une joie immense, plongeant sa main dans un bassin de poissons, la manche foncée par l’eau qui a complètement mouillé son pull. 


Les caravanes de véhicules divers sur la longue avenue cyclable à deux pas de chez mes parents, Grand en vélo électrique, Dernier en trottinette, Milieu à vélo, Papa à pied, Papi en courant et Mamie à chien, l’enfilade de bienheureux se perdant dans les feuillages du fond.   


Grand faisant le V de la victoire devant le mini-golf, tenant fièrement un petit club à l’embout rouge devant une haie mieux coiffée que lui. 


La chantilly crème qui déborde d’une tasse à café motif toile de jouy dans un salon de thé au décor tout en sucre et en kitsch anglais et les invités de ce goûter, heureux chacun devant son assiette de gourmandise.


Des touffes de pissenlit, la blancheur délicate du cerfeuil sauvage de bord de chemin, l’herbe à pâturage entre les fleurs, des buissons de genêt jaune, les hauts arbres en arrière-plan, les tons de vert subtil d’une Normandie de printemps, les nuages gros, gris et blancs laissant passer juste quelques rayons de soleil.


Dernier qui lèche avec application une glace italienne à la pistache, le lac miroitant derrière lui sous un des rares et magnifiques soleils normands. 


Grand qui me serre dans ses bras, Dernier qui fait un bisou à son Papi, Milieu qui caresse le bichon blanc de sa Mamie, moi les bras autour de ma sœur, Mari qui me tient la main, Papi entouré de ses petits-fils, Mamie qui se serre contre Grand, Tonton qui se penche vers Milieu.  


Les gourmands mangeant des glaces, ceux mangeant des pizzas, ceux qui ont des gâteaux dans leurs assiettes ou des frites dans des bouches hilares, les heureux qui se lèchent les doigts de sucre.


Les petits cochons bienheureux avec les lèvres roses de framboise, avec la langue bleue Schtroumpf, avec les commissures des babines pleines de chocolat. 


La famille réunie comme ça n’est pas arrivé depuis deux ans, les deux Tonton et deux Tata, Papi et Mamie, les trois garçons, Mari et moi et peu importe que tous les regards ne soient pas plantés dans l’objectif, ces corps serrés, ces sourires sincères, c’est magnifique.


Voilà, les enfants, les photos que je n’ai pas prises.


Rien ne m’a fait plus plaisir, ne m’a donné un si doux sentiment d’insouciance, que de délibérément laisser mon téléphone chez mes parents, de me balader libre et à peu près injoignable durant ces deux semaines de vacances.

C’est vrai, je m’en excuse, je n’ai donc pris que très peu de clichés.

Mais j’ai des images par dizaines, dans la tête, de mon petit album souvenirs.


Batailles en vrac⭣

Batailles rangées⭣

Le tapis à grosses fleurs rouges
 

Batailles choisies #636

Bienvenue en Normandie. Bienvenue chez mes parents. Bienvenue à nos vacances. 🌹


 

La sonnerie ronde du téléphone de la réception. L’odeur du pain dans la cafétéria. Le bruissement des feuilles secouées par le vent. Le bazar sans nom qui règne dans ces quelques pièces. Le tapis à grosses fleurs rouges où s’étouffe le bruit de nos pas. Oui, oui, c’est sûr, je suis bien à la maison.

Enfin, à la maison. Pas la mienne. Celle de mes parents.

Enfin, celle de mes parents. Ce n’est pas vraiment une maison, non. L’hôtel dans lequel ils travaillent et vivent temporairement.

Enfin, temporairement. Cela fait vingt ans qu’ils y habitent. C’est une situation compliquée.

Enfin, compliquée, non. Simplement une situation dedans et dehors, un peu oui et un peu non, douce et amère, sucrée et salée.

Enfin, salé, non, je retrouve avec plaisir toute ma vie d’avant, une époque de ma vie passée dans cette petite ville de la Normandie, où mes enfants, mon mari et moi sommes en vacances pour deux semaines.


Je retrouve tout ce que j’ai aimé et tout ce que j’ai délaissé dans cette vie-là, d’avant le Chili, d’avant la maternité. Tout est à la fois merveilleux et banal.

La Normandie, froide, venteuse, pluvieuse en ce début de printemps, déroule ses hauts arbres dont les feuilles, d’un vert jeune si doux, sont secouées par les saucées glaciales, mais je m’en fous - on a de gros pulls et on boira du chocolat chaud à chaque retour de promenade.

Les ornières des chemins sont pleines de fleurs de pissenlit, d’herbe moelleuse et de gadoue qui colle aux semelles, mais je m’en fous - on choisira les balades les moins mouillées. 

Le ciel bleu se plaît toujours autant à jouer à cache-cache avec nos espoirs, oh, ça va être une belle journée, ah non, il pleut finalement, ah mais tout de même, ces éclaircies qui font verdir les bocages normands, qu’est-ce que c’est beau, ne serait-ce que quinze minutes, mais je m’en fous - les jours sont longs.

Ça, c’est pour l’extérieur.

Et pour l’intérieur?

Les employés du complexe hôtelier où travaillent mes parents sont toujours aussi gentils et ont terriblement vieilli (moi aussi, vous me direz, qui me pointe avec mes trois marmots ayant bien grandi).

Les chambres de l’hôtel ont les mêmes rideaux, les mêmes commodes, les mêmes draps blancs et tout doux. Elles n’ont rien de spécial, elles ne font que ressembler à des chambres d’amis dans lesquelles on loge avec plaisir

Je retrouve surtout, banal et merveilleux, le bazar sans nom qui règne chez mes parents, dans cette suite à peine aménagée, où les meubles de récupération n’ont jamais été remplacés par des meubles achetés ad hoc, parce qu’on ne va pas rester longtemps alors qu’on ne part finalement jamais - résultat de croiser l’esprit nomade de mes parents à leur sens rationnel du vivre-mieux. 


La maison de mes parents, ce mi-doux, mi-amer, cet un peu trop et un peu pas assez…

Lorsque je venais, jeune femme, jeune étudiante, chez mes parents, je soufflais d’exaspération de les entendre se plaindre qu’ils n’arrivaient pas à ranger. Ben évidemment, quand on utilise des armoires de dressing pour mettre des bibelots décoratifs à côté des assiettes, des casseroles dans des bibliothèques, des fruits sur le balcon, des chaussettes dans des paniers à couverts et des couverts dans des tiroirs à chaussettes. Sauf que nous sommes ici en vacances et que tout est merveilleux quand on ne reste que quinze petits jours, quand on n’est pas venus depuis presque trois ans, quand on passe plus de temps dehors que dedans, quand on profite d’un rare moment de retrouvailles.


Tout a changé en huit ans d’absence, mais rien n'a changé. 

Ici, c’est la vie de famille, au milieu d’inconnus, de collègues et de connaissances.

Ici, c’est la maison.

Ici, c’est comme à la maison, sans en être une du tout.

On va prendre le petit-déjeuner en pyjama, en lançant le plus sérieusement du monde des “Madame, bonjour!”

On donne des nouvelles de ses enfants à des gens dont on a oublié les prénoms et les professions. 

On fait des plans avec ses parents, qui, comme l’organisation de leur intérieur, trouvent sérieusement à redire.

Mais on est heureux. Revenir dans un lieu familier donne à tout ce qu’on voit des couleurs gaies, teintées de nostalgie. Comme cette moquette à grosses fleurs rouges, que je trouve aussi moche que merveilleuse, aussi lointaine que familière.

Bienvenue à nos vacances.


Batailles en vrac⭣

Batailles rangées⭣