Publications avec le tag nuit
La guerre du téton
 

Batailles choisies #665

Dernier va-t-il arrêter de me tripoter les seins? Dernier va-t-il grandir et devenir un féministe, capable de respecter le corps des autres? Attention, bataille à chute… 🌺


 

Cela fait deux ans environ que je me bats pour que Dernier arrête de me tripoter les seins.

Ça vend du rêve, hein?

Quelqu’un vous l’avait dit, à vous, que c’était ça, la maternité?

Que, dans les derniers mois, j’ai dû dire, presque tous les jours, parfois plusieurs fois par jour, “non, Dernier, pas les tétés, les tétés, non!” 

Qu’en fait des tendres câlins imaginés, j’aurais droit quotidiennement à un désagréable malaxage de ma poitrine?


Ah! Parce que si c’était des caresses, passerait encore… mais non. Parce que tendresse, non, ce n’est pas le mot pour parler de ces mains qui ouvrent avec autorité le col de mon haut pour s’enfoncer entre mes seins. Il avance avec ses mains comme une mante religieuse vers sa proie, mon téton droit, avec une insistance qu’aucune récrimination ne parvient à contrecarrer. Les bosses de mes courbures sont pour lui une sorte d’Everest. C’est son giron tout autant, sinon plus, que mon giron. Il le veut, ce bout de rose de mon tétin joli, il passe par le bas de mon t-shirt ou par le haut, il le fait avec rapidité ou avec lenteur, discrètement, ou bien sans-gêne. Et si, depuis un an, j’ai réussi à ce qu’il ne touche plus mon téton, Dernier n’abandonne pas, se rabat sur la chair de mes seins. Il me malaxe. Il me tripatouille les plis. Il me fricotaille, me barbote, pinçouille mes appas et me bouleverse les monts.


Pourquoi est-il, ainsi un jobard du nibard? Un pochon du nichon? Un exalté des nénés ? Un frénétique des pare-chocs ? Un dévot des lolos? Un pervers des roberts?

Qui sait?

Dernier a eu, longtemps, très longtemps, besoin de se tranquilliser, besoin de calmer ses peines, de panser ses bobos, en me tripotant les seins. Je veux, désespérément, qu’il arrête. Et ce sera peut-être le signe de la vraie fin de sa petite enfance, le jour où il arrêtera. Et je le veux.

Mais, pour l’heure, c’est une bataille quotidienne. 

Il y a, parfois, quelques victoires: il a arrêté de me pinçouiller les tétons l’année dernière, se contentant des chairs - au moins ça ne fait pas mal; il ne cherche plus, depuis peu, à s'endormir avec ses doigts arachnides sur mon sein et a accepté de s’endormir sa main dans la mienne.  

Les armes, de mon côté, ne sont pas toujours les mêmes: suppliques, fâcheries, gronderies, rebuffades. Les trêves sont brèves, les négociations intenses, avec envoi d’ambassadeurs ou de GIGN, cela dépend. Les victoires restent tout de même en-dessous de mon objectif, qu’il arrête de fourrer ses p**tains de mains mantis sous mon pyjama. C’est vraiment le dernier front, surtout lorsqu’il est en phase d’éveil et que, avec la fin de la nuit et le début de la journée, il doit chercher à puiser toutes les ressources d’amour et de tendresse dont il a besoin pour le jour.


Dernière chance pour tenter de stopper cette horripilante habitude: je tente la conversation féministe. Qu’en comprend un sale gosse tête de mule de trois ans? Sûrement rien du tout. J’essaie, à toutes forces, de lui inculquer des valeurs féministes: le respect du corps de l’autre, c’est mon corps, je ne veux plus qu’on l’utilise, tu sais. J’ai besoin que tu comprennes que ces seins sont à moi. Que toi tu n’aimerais pas qu’on te touche comme ça, hein?

Cette dernière chance ne fonctionne pas.

Du moins, c’est ce que je crois.

Depuis plusieurs soirs, pourtant, je remarque que son rituel du dodo change: Dernier dort avec deux peluches: un éléphant et un hippopotame, “L'Éléphant” et “Popo l’hipotame”, de leurs petits noms. Et pour s’endormir, il m’explique qu’il va les tenir par la “colita”. Entendez, il agrippe bien fort dans sa main droite les queues des deux animaux et les garde toute la nuit dans ses poings. Je ne suis pas certaine de la qualité de ces peluches made in China et trouve les coutures entre la queue et le corps bien malingres. S’il continue à les serrer comme ça, les queues vont finir par leur en tomber.


Si c’est pas de l’éducation féministe, ça.


Batailles en vrac⭣

Batailles rangées⭣

Le grand vide
 

Batailles choisies #518

C’est quel genre de gouffre quand son bébé de bientôt deux ans hurle à la mort au moment du coucher? L’abîme sans fond d’une âme abîmée. 👥


 

Dernier pleure. Ce sont les pleurs stridents d’un bébé en colère, au milieu d’une crise que j’essaie de calmer depuis un long, très long quart d’heure. Dernier hurle. Ses pleurs s’apaisent, pour me donner un peu d’espoir avant de mieux l’éclater en mille morceaux quand ses cris reviennent plus forts, s’approchent comme une sirène de malheur. Ils se taisent de nouveau, faisant croire que ça y est, c’est bientôt la fin de mon calvaire… puis ils repartent, plus aigus, plus terribles. J’aimerais dire que je sais calmer mon bébé, que je sais calmer mon troisième enfant. J’aimerais être pleine de ressources, d’idées, de patience, d’amour. J’aimerais ne pas en être à cet état de désespoir, de désolation. Mais je ne suis que figée, impuissante, de plus en plus vide.


Mon corps, mon esprit et mon amour ont enduré une semaine de mauvaises nuits et de levers aux aurores. Avant cela, ils auront enduré bientôt deux ans de nuits hachées, de pleurs, d’améliorations lentes, traînantes, infinies, de sommeil de Dernier. Avant cela, ils auront supporté bientôt sept ans, depuis la naissance de mon fils aîné, de trop de nuits sans sommeil réparateur, de trop de pleurs qu’il faut calmer alors que je veux juste fuir, d’emprisonnement à aimer alors que je hais mon travail de mère. Puisque mon corps, mon esprit et mon amour ont supporté tout ça, cahin caha, je ne le supporte plus. Je ne supporte plus de devoir endormir un bébé. Je ne le supporte plus, physiquement. C’est physique. Il ne tète plus mais, cherchant encore le réconfort de mon corps, il me tripote les seins, m’attrape les tétons, cherche de l’amour alors que, pour lui, je n’ai que de la colère


Pendant que je m’efforce de rester assise sur le lit, pendant que je m’efforce de rester calme, entre un sentiment familier: je sens s’installer le grand vide intérieur. Je ne veux pas être là alors je fais comme si je n’étais pas là. Je reste silencieuse. Je bouge le moins possible. Je n’existe pas. Sauf que Dernier ne veut pas d’une maman qui n’existe pas: il veut sa maman de d’habitude, alors il pleure, crie, hurle. Je n’ai pas de rescousse ce soir puisque Mari est, pour une fois, alors que cela fait des semaines qu’il se farcit les dodos de Dernier, sorti.

Ma technique de ne pas être là est un mécanisme de dissociation. Je préfère le grand vide à ce qu’il cache, la frustration, la colère, la rage, la violence.

Rester vide, ou j’ai peur de hurler.

Être vide à l’intérieur, ou j’ai peur de frapper.

Taire ma détresse, la noyer dans le vide, parce que je ne peux pas, ce soir, dire à Mari que je ne m’en suis pas sortie, alors qu’il en est libéré. 


Dernier finit par s’endormir, d’épuisement, de résignation, de simple fatigue, peut-être, car je suis sans doute un peu dure avec moi-même. Dès que les yeux de Dernier se sont fermés, je sens se remplir doucement mon réservoir d’amour. Il était tellement à vide que je doute qu’il se remplissent et que je ne peux que supplier que Dernier ne se réveille pas, parce que je ne sais si, cette nuit, il sera assez plein pour supporter encore une mauvaise nuit de bébé.

Je suis usée, vide.

Pitié, pitié… un peu de bonté d’âme pour une mère qui n’en a plus.


Batailles en vrac⭣

Batailles rangées⭣