Enfermé dans la voiture

 

Batailles choisies #121

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En deux mots:

Mon fils est resté enfermé dans la voiture. Parfois, quand on est maman, il y a des jours sans. Des jours sans clé.


 

Petit a deux ans. Je l’ai déjà dit ici souvent, mais je le répète parce que ça a son importance pour cette … anecdote? Histoire? Pièce à conviction? Bonne tranche de rigolade a posteriori?


Bon, je me lance. Soyez bienveillants.


Petit, toujours deux ans, adore jouer à l’intérieur de la voiture. Il y monte, met ses mains sur le volant comme un grand, allume la radio ou bien les warnings, découvre tous les sièges un par un, ouvre les vide-poches, pendant que j’attends, à l’extérieur ou sur le siège passager. La voiture de Papa a souvent sa préférence, comme aujourd’hui, encore. 

Ce jeu, en général, m’horripile, parce qu’il dure, ne va nulle part (sans mauvais jeu de mots), et que j’ai toujours logée au fond de moi, durant la demi-heure de ce parc d'amusement, l’appréhension de me retrouver avec un rétroviseur cassé dans les mains.


Mais bon, je ne sais pas bien quoi faire ce matin alors, le sourire en rictus, je lui ouvre la voiture garée devant la maison et lui passe la clé qu’il sait maintenant mettre dans le contact. Ah mince, le camion poubelle, je tire la poubelle vers la rue - action qui me prend moins de trente secondes, je le jure.


Je reviens pour m’installer avec Petit sur le siège passager. 

La voiture est fermée.

Je teste toutes les portières. 

Merde. 

Putain de fermeture centralisée.

Petit a appuyé sur la commande et s’est enfermé.

C’est un jour sans.



Là, une bonne mère aurait dû tout de suite chercher une solution. Une mère avec de la jugeote, avec de l’amour, avec la conscience du danger.



Mais.. c’est un jour sans.

 

Je suis donc furieuse. Je peste contre mon gamin, mais qu’est-ce que j’ai fait pour avoir un gosse comme ça. Je tempête et je me dis que c’est bien fait pour lui.

Voilà, d’un côté que ça lui apprendra. Marre de son jeu de la voiture. Marre qu’il ne m’écoute pas. Marre qu’il n’en fasse qu’à sa tête. Il pleurera un peu et puis bon, voilà, il aura compris et il arrêtera ce jeu pénible. Et puis, de toute manière, il est pas bête, Petit, je vais arriver à lui faire ouvrir la voiture, il est intelligent, il va comprendre si je lui explique.



Petit ne sent pas mes imprécations s’abattre sur lui. Il est très content. Il joue avec le volant, bidouille les touches et les boutons.



J’appelle mon mari pour savoir s’il a pris le deuxième jeu de clés, non, non, juste comme ça, oui, je vais vérifier dans l’entrée.



Pourquoi je ne lui dis rien?

J’ai honte. Et en plus, je vais me démerder toute seule. 



Petit continue de s’amuser comme un petit fou, rétroviseur, boutons, ceintures. Je continue d’être énervée contre lui.

Vraiment énervée.

Oui, c’est idiot. 

Complètement idiot.

Évidemment, c’est de ma faute. Bien sûr. Ceci est un post sur ma nullité parfois de maman. Mais pour l’instant, je n’ai pas envie de l’admettre.



Donc je passe à l’attaque, j’essaie d’expliquer à Petit, encore deux ans, même enfermé dans la voiture, comment appuyer sur le bouton d’ouverture centralisée.

Je crie depuis l’autre côté de la vitre.

“Non, le bouton, le bouton sur la clé! La clé, Petit, récupère la clé. La cléeeee.” 

Ça a le même effet qu’apprendre à un chien à faire la vaisselle.

Je ne me calme pas. Il ne comprend pas. Il m’énerve encore plus.



Je passe bien (précisez ici un temps déjà trop long) minutes à tenter tout ce qui me vient à l’esprit, toujours sur les nerfs, mais pas gratifiée d’idées plus intelligentes: je lui montre à travers la vitre une photo d’un clé, “là bouton, BOU-TON tu vois, appuyer boutons dessus”.



Il commence à s’impatienter.

Il commence à s’impatienter, à s’énerver aussi. Évidemment, c’est bien ça le problème, qu’il panique, qu’il passe une heure à hurler de désespoir.

Bon, changement de ton. Encourageant.

Oui, il a sorti la clé du contact. Bravo, bravo! Il me la montre. Oui, je lui fais signe qu’il y a des boutons sur la clé, il faut juste appuyer, oui.

Bim.

Il fait tomber la clé qui glisse sous le fauteuil. Il arrive à comprendre qu’il faut essayer de la récupérer et la pousse encore plus en dessous en essayant de la repêcher.



Il commence à pleurnicher. Bon, je regarde sur Google comment ouvrir une Suzuki sans clé. Il y a des sites très bien pour les voleurs à la petite semaine.

Mais je suis nulle en bricolage. 

Je m’y résous.

-Allô chéri… oui… euh…. tu es loin? Petit est enfermé dans la voiture. Il faut que tu rentres tout de suite.



J’ai honte. Très honte de ne pas l’avoir appelé avant, mais là, mon orgueil idiot, je comprends qu’il n’a plus sa place. 



Pour aider Petit à patienter alors qu’il s’impatiente, je lui chante des chansons à travers la vitre, lui montre avec enthousiasme les rares véhicules qui passent dans la rue, tout en remerciant en mon for intérieur les voisins de n’avoir pas remarqué mon manège.



Papa arrive. Il a sa tête de colère contenue. Il a sa tête de colère qui ne va pas se contenir très longtemps.

-Ça fait depuis que tu m’as appelé qu’il est là?

-Euh… Prends ton fils dans les bras, il veut un câlin. Allez, on rentre, il fait vraiment froid aujourd’hui.



Dans l’entrée, Papa a posé ses clés. Petit les voit et sèche soudainement ses larmes, criant joyeusement “clé, clé!”



Oui, parfois il vaut mieux faire avec.

 
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