Chez le voisin

 

Batailles choisies #164

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En deux mots:

Pour la première fois, Grand est allé jouer chez une petite voisine. Je suis terriblement anxieuse. Être parent, 1001 nuances d’inquiétudes dévorantes. 


 

Boule au ventre. La petite voisine qui est venue jouer la semaine dernière rend à mon grand l’invitation. Il va donc passer une partie de la matinée chez elle, pendant que j’angoisse. 

Il y a le Covid, d’abord. Je l’imagine dans toutes les pièces de chez eux, traînant comme la poussière, ramené chez nous, nous infectant tous. Mais vite, cette inquiétude sanitaire est balayée par une ombre immense. Et s’il y avait un agresseur, un pédocriminel, chez les voisins? 


Des titres de presse défilent dans ma tête. Je connais juste assez de chiffres sur les abus sexuels pour retenir le tremblement de mes nerfs en disant à Grand mais c’est super qu’elle t’ait invité! Vous allez bien vous amuser! 

J’ai peur de le jeter dans la gueule du loup. J’ai peur qu’on ne lui ait pas assez appris, des dangers, des réactions à avoir. J’ai peur.  


Comme c’est la première fois que Grand est invité chez une amie, il semble intimidé par la nouveauté. Ne t’inquiètes pas, mon chéri, je vais t’accompagner et je resterai jusqu’à ce que tu te sentes à l’aise, d’accord? Ça me permettra de jeter un œil, d’échanger deux mots avec les parents que je ne connais pas du tout.


Sur les cinquante mètres qui séparent les deux portails, je cherche mes mots, comment lui redire que si un monsieur lui demande de se mettre nu ou de le toucher, il doit crier, appeler, dire non? En même temps, c’est la première fois qu’il va jouer chez quelqu’un d’autre, est-ce que j’ai envie que mon fils commence sa vie sociale en s’imaginant que chaque maison inconnue est un repère de messieurs nus qui lui veulent du mal? 

Chacun de mes pas crisse sur le chemin de terre. 

Il faut se calmer, se calmer.  

La petite voisine, qui a 7 ans alors que mon aîné n’en a que bientôt 5, est adorable, douce, que des jeux sains de plein air et petites inventions qui n’abîment rien.


On arrive. Elle nous attend devant la grille avec son frère, son père est un peu plus loin. Je tiens encore la main de Grand, lui redis que je peux rester autant qu'il le veut pour qu’il se sente bien. Il me tire à lui et me dit à voix basse: tu peux y aller Maman. - Quoi, je demande, incrédule? Tu veux que je parte? - Oui, tu peux partir.  


Mes pas de retour crissent autant que ceux de l’aller, alors que dans mon dos j’entends déjà des rires qui fusent.

L’heure et demi qui suit me fait palpiter le cœur, d’inquiétude diffuse, de bouffées d’angoisse et de vagues de rationalité. Je me retiens autant que je peux de me coller aux lauriers qui cachent imparfaitement le terrain d’à côté, finis par céder, jette un œil par un vide dans le feuillage, ne vois pas grand chose, mais ça doit aller, ça doit aller. Non, moi! Je ne serai jamais de ces mères hyper angoissées surprotectrices! Euh…


Au bout de l’heure et demi, Grand revient avec la petite voisine, ravi. Vous allez jouer ici, maintenant? 

Quelle bonne idée!

-Et vous avez vu, pardon, fait quoi chez ton amie? 

 
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