Un petit chagrin, beaucoup d’amour

 

Batailles choisies #169

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En deux mots:

Les petits chagrins de mes enfants peuvent briser mon cœur, ou le gonfler d’amour. Un peu des deux, je crois.


 

Grand est dans la chambre en haut, accroupi au milieu des pièces éparses d’un puzzle en mousse, l’air tout dépité. Je tombe sur lui par hasard, persuadée qu’il était dehors.

- Ben alors, Grand, qu’est-ce qui t’arrive? Qu’est-ce que tu fais là?


Nous sommes chez Abuelita. Grand a invité la petite voisine à jouer. Il y a eu un micmac: la mère de la petite voisine l’a appelée pour qu’elle rentre, elle est descendue de suite, mais Grand n’a pas compris qu’elle rentrait chez elle et il est là-haut, assis gentiment, il l’attend pour finir le puzzle.

Elle est partie sans lui dire au revoir, sans qu’il puisse la raccompagner jusqu’à la grille, qu’il puisse continuer de lui parler à travers la haie, qu’ils se disent à demain comme ils font d’habitude.


-Je voulais finir le puzzle avec Colombina, me dit-il à demi-voix. Pourquoi elle est partie?

Grand est toujours accroupi au milieu des pièces, il a la voix cassée et les yeux rouges de celui qui se retient de pleurer. Il me dit doucement:

-Je suis triste.

C’est la première fois qu’il exprime une émotion comme ça, si ouvertement, sans que je l’incite à le faire.

-Tu es triste, je comprends, c’est juste qu’il fait déjà noir, la maman de Colombina l’a appelée, alors elle est partie tout de suite. Demain, tu voudras qu’elle revienne finir le puzzle?

-Je veux rentrer à la maison. Je ne veux pas rester chez Mamie. On peut partir?

Grand, tout penaud avec son cœur fendu, trouve comme seule solution de s’éloigner de sa déception, de son incompréhension, de rentrer chez nous, au moins par la pensée, où il n’y aura pas de tristesse.

Je lui dis d’accord, je prends le pari que c’est une fuite de dépit, qu’il aura oubliée sous peu. Je prends sa main dans la mienne, doucement, en le laissant avec sa tristesse, en essayant de lui donner des armes pour l’accepter, sans la faire disparaître. On ne parle pas pendant quelques minutes.

 

Grand est toujours là avec ses pièces de puzzle, son chagrin d’amitié, son sentiment d’abandon, ses yeux tout rouges. Il hoche la tête et sans me regarder, sans verser de larmes, se blottit contre moi pour un câlin.

 
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Heloise Simonchagrin, câlin