Big Boss

 

Batailles choisies #313

Une crise de Milieu, un peu malade, un peu fatigué, un peu affamé après des jours sans crèche, c’est le big boss de la patience maternelle. 🎮


 

Joueur 1: Maman. Femme. Fatiguée. 

Armes de prédilection: Patience. Diversion. Réfrigérateur.

Forces: Est légalement obligée d’être là.

Faiblesses: Fatiguée. Mal dormi. Fatiguée. 


Joueur 2: Milieu. Trois ans. Malade. 

Armes de prédilection: Crises. Faire non de la tête. Hurler “non” au visage de Maman.

Forces: Énergie inépuisable. Volonté terrifiante. Émotions débordantes. Idées fixes.

Faiblesses: Trois ans. Malade.



Déjeuner. 

Milieu a tourné en rond à la maison toute la matinée, traînant ses microbes, sa fatigue et l’humeur difficile qui va avec les premiers et la seconde. Sur le chemin de retour de l’école, Grand s’est mis à le taquiner, ce qui a mis Milieu dans un état de nerfs fragile.

Arrivée à la maison, avec beaucoup d’excuses et de promesses de câlins, je suis bien obligée de lui nettoyer le nez avec le spray nasal, le pédiatre a dit que c’était essentiel, qu’il risquait sinon une infection qu’il faudrait soigner avec des antibiotiques - je n’ai retenu de sa pédagogique explication qu’il faudrait retarder encore son retour à la crèche, pas moyen, spray nasal ce sera donc, désolée mon petit chéri.


Battleground:

Salon jonché de jouets.

Déjeuner de midi pas prêt.

Maison sans eau.

Mari à la quincaillerie pour ce problème d’eau.

Grand qui s’ennuie et demande constamment ce qu’on fait.

Dernier légèrement fébrile qui pleure.    


Allez, courage, Milieu, courage, Maman, j’attrape l’enfant, il se débat comme un bougre, coups de pieds, allez, un pschit, allez, encore, tiens-toi tranquille, juste un petit pschit, je suis désolée, c’est le médecin qui a dit, après, je te promets, des chocolats, de la compote, du yaourt, aïe, je viens de me prendre une baffe, j’esquive, attends, je te tiens la tête, on y est presque, pschit, voilà, voilà, c’est fait.

Oh, le combat est loin d’être fini! Réussir à le faire manger, voilà la bataille!

Milieu se met à courir du salon à la cuisine et de la cuisine au salon en pleurant, en hurlant et en faisant “non, non” de la tête.

Mes excuses n’adoucissent malheureusement pas l’ennemi.

Il pleure.

Je me mets à la préparation du déjeuner, avec quelques allers-retours pour ravitailler Dernier en câlins, ou m’échinant à cuisiner alors que je le tiens dans les bras.

Milieu sanglote.

Grand joue calmement en mettant encore plus de bazar sur le sol du salon.

Le déjeuner est prêt.

Milieu se tait.

Bizarre.

Que fait-il?

Assis dans un cageot de pommes de terre, il est en train de s’assoupir. 

Bon, Milieu, tu veux faire une sieste?

“Oui” de la tête.

Tu vas où, Maman? demande Grand.

Petit qui pleure, j’arrive, mon chéri, désolée.

Milieu mis dans son lit, tant pis pour son déjeuner. Allez, mon doux, dors un petit peu et je te réveillerai avec un biberon.

Oh, quelle erreur stratégique! J’ai prononcé le mot maudit! Le mot qui décuple les forces de l'adversaire! J’ai prononcé le mot “biberon”! 

L’ennemi, au lieu de s’endormir paisiblement comme ses yeux le promettaient, se met à hurler biberon, biberon, biberon!

J’ai déposé un baiser sur son front et suis descendue m’occuper de Dernier, mais mon ennemi, là-haut, ne se calme pas.

Mettre la table, commencer le déjeuner, alors que là-haut, la terreur enfle, s’amplifie, les cris sauvages me parviennent en m’insufflant la peur du combattant solitaire voyant s’approcher une armée!

Oh, ce n’est pas un simple combat entre deux joueurs… non! Le joueur 2, en fait, c’est un big boss!

Je le récupère en pleine crise, le garde dans mes bras alors qu’il se débat et fait pleuvoir sur moi toute sa rage, l’assoie à table.

Il repousse son assiette en faisant non de la tête.

Je connais mon adversaire. Je sais bien qu’il me faut être patiente, faire comme si sa crise ne m’atteignait pas. Je sais qu’il faut juste qu’il mange. L’arme ultime.

Viande? Non. Couscous? Non. Riz? Non. Eau? Non.

Ça va venir, ça va venir, patience…

Grand mange de son bon appétit habituel. Dernier a droit à des rondelles de concombres.

Milieu, tu veux des concombres?

Non!

Silence.

Oui!

Tiens, mon chéri. Une rondelle de concombre.

Milieu grignote le bord du bout des lèvres. Puis plus franchement. Puis une deuxième rondelle. Puis une troisième. Puis un peu de couscous. Puis un peu de viande. 

Le calme est revenu.

Milieu a séché ses larmes. A effacé ses cernes. A retrouvé sa bonne humeur.

Bientôt, il va jouer tranquillement avec ses majorettes.

Bientôt, il me regarde de ses beaux yeux et me lance avec un grand sourire: Maman, tu viens jouer avé moi?


Ah, non mon chéri... là, pour Maman, c’est Game Over.


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Heloise SimonMilieu, crise, patience