Papaoutai

 

Batailles choisies #336

Combien de mères se sont dit que leur couple serait égalitaire une fois l’enfant arrivé? Et combien ont été déçues, se sentent arnaquées, en veulent à leur conjoint? Et si on parlait de ces mamans-là? Qui êtes-vous? Comment fait-on? 🤥


 

J’ai lu ce tweet d’une jeune maman:


Et je me suis dit: mais combien? 

Combien sont-elles, ces femmes qui se retrouvent avec le mari qui râle, qui dit qu’il est fatigué, parce que “lui, il travaille”?

Combien sont-ils, ces maris, qui étaient sûrs de ne jamais dire que “eux, ils travaillent” et qui finissent par le dire? 

Combien de couple ont dit et répété ce dialogue:

- Je suis fatigué, je travaille, moi.

- Et s’occuper d’un enfant, c’est pas du travail, peut-être?

- C’est pas pareil.



C’est un fossé qui se creuse avec la parentalité pour, souvent, ne jamais se refermer. Dans un couple hétérosexuel, le père et la mère finissent par connaître deux expériences distinctes et difficilement intelligibles pour l’autre, à la fois de ce qu’est le travail et de ce qu’est le travail parental.

Violaine Dutrop, dans son livre Maternité, Paternité, Parité, a cette formule très juste: les mères ont l’impression “que leur compagnon ne vit pas du tout la même vie de parent qu’elles” et j’ajouterai: les pères ont l’impression que leur compagne ne vit pas du tout la même vie de travail qu’eux.

Il suffit alors de peu pour que les rôles se figent: le père devient celui qui doit assurer la subsistance économique, la mère celle qui fournit majoritairement le travail domestique et parental, les deux s’entraînant mutuellement.



Quand mon mari et moi n’avions qu’un fils, je devais m’absenter pour le travail deux jours par semaine. Mon mari devait donc tout gérer ces deux jours-là. Il avait un travail souple, flexible. Il a sacrifié un certain nombre d’opportunités professionnelles, les laissant passer pour consacrer du temps à sa famille.

Mais… deux enfants supplémentaires plus tard, changement de travail pour mon mari, beaucoup plus présentéiste… et nous voilà tous deux coincés dans un schéma plus traditionnel. Il gagne plus que moi. Je m’occupe plus du foyer que lui.



Mon mari aimerait travailler moins - difficile.

Il aimerait passer plus de temps avec ses enfants - compliqué.

J’aimerais être moins prisonnière de mon rôle de mère - tout aussi compliqué.

Comme beaucoup de couples, il nous arrive de nous lancer des “moi, je suis fatigué(e)” à la figure.



Je ne lui en veux pas, à lui. J’en veux au système.

Ce qui nous fige ne vient pas uniquement de nos bonnes ou mauvaises volontés personnelles. Ça n’en vient pas majoritairement d’ailleurs. Ce sont des structures qui sont autour de nous, sociétales, culturelles, institutionnelles qui en ont décidé ainsi, qui portent ensemble le bien joli nom de… patriarcat. Évidemment.

Ces structures qui entrainent les différences irréconciliables entre mères et pères sont fabriquées et perpétuées. La notion même de travail en est la clé de voûte: le vrai travail, le salarié, est la base de l’existence masculine; le travail domestique, gratuit, la base de l’existence féminine, là où le travail rémunérateur est pour la femme, la mère d’autant plus, une option (qu’on abandonnera, si possible).



Les bien belles mesures qu’on nous affiche pour favoriser l’emploi féminin prennent le problème à l’envers car la question n’est pas de savoir comment favoriser la sortie des femmes de leur foyer, puisque, dans notre société, cela revient à organiser l’exploitation des femmes les plus pauvres (tous les métiers mal rémunérés, précaires, du soin et de la petite enfance). La question est de savoir comment organiser l’implication des hommes dans le leur.

Pour une société juste, égalitaire, ce n’est pas tant aux femmes à sortir de leur maison, qu’aux hommes à y entrer.


Allez, Messieurs, on arrête de se tourner les pouces et on vient bosser à la maison?


Batailles en vrac⭣

Batailles rangées⭣