Compter beaucoup tout

 

Batailles choisies #343

Milieu dans son francognol délicieux, apprend à compter et, plus important peut-être, à quantifier - BEAUCOUP! 🖐🏻


 

Milieu se met à compter. 

Il chantonne parfois des comptines allant jusqu’à dix, je l’entends répéter un, dueu, twois, quat’, ou bien uno, doss, twess, cuatlo…  

Milieu répète les nombres que lui enseigne son frère aîné, “twèze”, “vindeux” “twente-sèt”, “qua’ant’hui”. À son âge, en réalité, quarante-huit ou vingt-deux, ça ne veut rien dire, ça ne représente rien. Il ne fait que répéter des sons que Grand est fier de lui apprendre, il les répète parce que toute la famille s’ébahit, de l’élève comme du professeur, que l’émerveillement des adultes fait chaud au cœur. 


Il fait en revanche, en lui-même et pour lui-même, de réels progrès de compréhension des chiffres lorqu’ils indiquent des quantités tangibles d’objets ou de nourriture, de un à cinq à peu près, en ouvrant les petits doigts de ses petites mains, avec maîtrise solide de deux et trois, et maîtrise plus floue de quatre et cinq (j’y reviendrai).

- Milieu, donne deux voitures à ton frère, s’il te plaît!

- (Air concentré et peiné de devoir partager) Un… dueu.


- Milieu, tu as le droit de manger trois petits chocolats, d’accord?

- Voui.

Il ouvre sa main où il avait fourré le nombre maximum de chocolats que pouvaient contenir son poing. Il compte avec application, un, dueu, twois… puis il me lance un petit regard pour vérifier que je ne le surveille pas de trop près, puis il cache dans sa main le chocolat numéro 4 et me rend le numéro 5.


Ce que j’aime le plus dans cet apprentissage, qui se fait en général à base de nourriture, c’est que sa gourmandise, souvent, le dépasse: si quelque chose lui fait envie, il commence par dire qu’il en veut deux ou trois, puis arrivé à quatre, il dit qu’il veut “muchos” (beaucoup) et arrivé à cinq, il dit que finalement, il veut “todos” (tout).


- Milieu, Mamie t’a acheté des myrtilles?

- Voui. Moi manger (en levant quatre doigts sur cinq) muchos!

Je ne sais pas ce qu’il se passe, lorsqu’il compte sur ses petits doigts, et qu’il en a levé trois… mais il doit être ravi par un sentiment de puissance, il doit se dire que décidément trois ne convient pas, ne représente pas la quantité rêvée, idéale, et qu’il faut muchos et même todos!   

Allez, j’en ris encore:

Un cageot de fraises est arrivé à la maison. L’excitation est à son comble.

- Et tu veux combien de fraises, Milieu?

Milieu regarde sa main avec concentration, lève son pouce et dit “un”, déplie avec lenteur son index, “dueu”, y joint son majeur, “twois”, puis il tourne vers moi sa paume, fait monter son annulaire, semble laisser naître sur ses lèvres un “quatre” auquel il préfère en fait “muchos” puis se ravise, déplie son dernier atout, son petit doigt et avec le mouvement d’un sorcier, fait clignoter devant moi sa paume ouverte en criant “todos”!

- Todos, je veux todos!


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Heloise Simonprogrès, Milieu