Maman du dimanche soir

 

Batailles choisies #342

Les soirs d’infinie tristesse où on n’a plus envie d’être mère. Bonsoir maman, bonsoir tristesse. 😥


 

Parfois, j’aimerais autre chose pour moi-même.

J’aimerais éteindre l’eau de la douche sans me demander si je vais entendre les enfants pleurer.

J’aimerais prendre une douche sans calculer combien de minutes j’y perds.

J’aimerais ne pas connaître le découragement, le sentiment que ça ne va jamais s’améliorer, le sentiment de résignation, que de toute façon, il n’y a rien à faire, on ne cesse jamais d’être mère.

Alors que, parfois j’aimerais arrêter d’être mère.

J’aimerais vivre juste pour moi.

Ne plus vivre pour eux.

J’en ai marre de ma vie de mère - encore quinze ans sur ce modèle, mais ça va me tuer à petit feu!

Marre des “Maman!”, des “Maman?”, des “Maman…”

J’aimerais autre chose.

J’aimerais finir ce livre qui traîne sur ma table de chevet.

J’aimerais sortir, j’aimerais prendre mon temps, ralentir, j’aimerais avoir l’impression de grandir alors que je trouve que je me rétrécis, avoir le sentiment de m’épanouir alors que je me sens flétrir, fatiguer, n’arriver à rien ni nulle part.

L’eau de la douche pleure sur mes épaules, mais la tristesse du dimanche soir me colle au corps.

Je n’ai plus envie.

Je ne veux plus.

En fait, je regrette moins ce que j’aimerais faire que ce que j’aimerais ne pas faire.

J’aimerais ne pas passer mon temps à penser au repas suivant, ne pas courir d’une obligation à l’autre, ne pas finir mes journées épuisée, siphonnée, aliénée, ne pas me battre avec des questions sans solutions, ni regarder mes échecs béants.

J’aimerais de l’insouciance. 

Et de la liberté.

À défaut, un peu de temps libre.

Me défaire de l’impression de rater plus que de réussir, de l’impression que je suis coincée dans cette vie que je n’imaginais pas si dure, si ingrate, de celle d’attendre toujours ce moment où on trouve que ça valait les sacrifices, un moment qui se dérobe, encore, toujours.  

Ma tristesse après une longue journée avec les enfants.

Ma tristesse qui ne part pas sous la douche.


J’aimerais des vacances de ma maternité. Tout le monde a besoin de vacances, paraît-il, alors pourquoi pas moi? Pourquoi du matin au soir et 365 jours par an! 

Ou bien démissionner? Ou abandonner…

Je n’ai pas l’impression de vivre des années avec mes enfants, j’ai l’impression de les endurer.

Ça ne part pas sous l’eau.

Ni en pleurant.

Le soir, une fois les enfants couchés, dans la maison calme, j’aimerais… vivre pour moi, profiter de la solitude. 

Mais

Fatigue

Éreintement

Alors, me doucher, préparer les affaires pour demain et au lit.

Me coucher tôt, demain endurer une autre journée.

Il n’y a rien à faire de toute façon.

C’est peut-être juste le blues du dimanche soir dans sa version maternelle, le maman blues.

Bonsoir tristesse.

Bonsoir Maman.

- Maman?

- Oui, mon chéri. Pourquoi tu ne dors pas?

- Je t’ai attendue parce que je voulais te dire bonne nuit.

- C’est gentil. Viens, un petit bisou.

- Bisous. À demain, Maman, d’accord?


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Heloise Simontristesse, douche