Besoin d’un câlin

 

Batailles choisies #351

On en parle des jours où c’est moi, la maman, qui demande un câlin de réconfort à mes enfants? 😿


 

- Grand, je peux te raconter quelque chose?

- Oui, ma p’tite Maman.

- Tu sais, je me sens pas très bien, j’ai passé une mauvaise matinée.

- À cause de Dernier?

- Oui…


Ce matin, j’avais des impératifs: je devais absolument finir d’écrire quelque chose.

C’est jouable, ce n’est ni trop long ni trop compliqué, j’en ai pour une heure peut-être, mais je dois absolument le faire ce matin, pendant la sieste de Dernier.

Évidemment, je vous le donne dans le mille du bébé, au moment où je le pose, endormi, dans son berceau, ma tête déjà partie dans mes impératifs de textes à écrire, dans mon stress de ce que je dois à d’autres personnes, Dernier chouine.

Se cambre.

Se contorsionne.

Se met à pleurer.

Ouvre un oeil.

L’autre.

Pleure plus fort.

Se réveille.

Ne se rendort pas malgré mes tétons fourrés en catastrophe dans sa bouche.

Me regarde avec des grands yeux d’amour qui demandent “et on fait quoi de bien, maintenant?”


Les impératifs et les bébés ne s’entendent pas.


Je suis dépitée, alternant pic de stress et sensation d’être complètement à plat, lasse, lasse, lassée de cette vie à moi fabriquée dans les interstices de celle des autres, une vie qui est toujours en second plan, jetable, optionnelle.

Je me débrouille d’habitude avec moi-même pour mon temps de travail, d’écriture. Mais dès lors que je dois ce temps à d’autres, que je ne peux pas remettre à plus tard, que la machine se grippe, alors je me rends compte à quel point tout est fragile dans mes journées, y compris mon équilibre mental.

Dernier chouinant, Dernier donnant l’impression de vouloir rattraper sa sieste perdue, je tente, moins de l’endormir, je crois, que de m’accrocher au faux-espoir que mon temps pour moi n’est pas tout bonnement tombé au fond du puits.

Alors, je vrille, comme ça m’arrive souvent, trop souvent, je me fâche, je dis merde à tous ceux qui passent à côté de moi, merde à mon bébé qui ne veut pas dormir, merde à mon mari qui ne peut pas échapper longtemps à ses impératifs, même en télétravail, merde à ma mère qui ne peut pas, malgré toute sa bonne volonté, prendre le relai avec un bébé grognon, merde à ma vie.

Merde que je passe la matinée à traîner, qui me lance ses relents odieux au visage, qui me décourage, m’épuise, me culpabilise terriblement.

Merde qui m’assoit lourdement sur le canapé à côté de mon fils aîné, lorsqu’enfin, Dernier, s’est endormi pour sa sieste d’après-midi.

J’ai les larmes aux yeux, je me sens idiote, égoïste, prisonnière, victime, injuste et justifiée d’envoyer paître ceux avec lesquels je vis.

  

- Grand, je peux te raconter quelque chose?

- Oui, ma p’tite Maman.

- Tu sais, je me sens pas très bien, j’ai passé une mauvaise matinée.

- À cause de Dernier?

- Oui, il a pas mal pleuré ce matin, et puis il n’a pas fait sa sieste, alors je n’ai pas pu travailler… et ça me met toujours de très mauvaise humeur, tu sais.

- Parce qu’il pleure beaucoup et que tu n’arrives pas à le calmer?

- Oui, c’est… c’est ça, oui. Grand, est-ce que tu serais d’accord qu’on fasse un petit câlin, ensemble? Ça me ferait du bien.  


Grand acquiesce et se rapproche de moi. Il pose sa tête sur mon cœur. Je passe mes doigts dans ses cheveux et sur son visage, pose ma main sur son épaule et caresse son dos et son bras.

Sa chaleur et son souffle tranquille apaisent mon blues - ma matinée ratée, ma lassitude si prompte à foudroyer, ne seront qu’une énième fêlure et non une blessure ouverte.


Grand ne sait pas réellement c’est qu’est une mauvaise humeur, ni une matinée difficile. Il ne sait pas que ceux qu’on aime peuvent nous emprisonner et nous rendre malheureux, parfois, souvent. 

Il ne sait pas qu’il existe une tristesse de maman que peu de choses calment.

Grand sent juste que j’ai besoin d’un geste d’affection, celui qui se donne en silence, sans jugement, sans vraiment chercher à comprendre, d’humain à humaine.

- Merci, Grand, j’en avais besoin, ça m’a fait du bien.


Grand ne sait pas et en même temps sait que, parfois, on a besoin d’un câlin.


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