On creuse son trou

 

Batailles choisies #362

J’ai mis des années à accepter l’évidence: j’habite au bout du monde et mes proches n’y vivent pas. Au revoir à eux, merci à eux.💘


 

J’habite au bout du monde.

À 12 000 kilomètres de ma famille.


Lorsque nous avons déménagé ici il y a presque six ans (déjà!), je me disais que ce n’était qu’une étape, une tranche de vie avant de passer à autre chose. J’avais à peine posé mes valises que je m’imaginais les refaire, rentrer en France, où nous serions plus heureux, où je retrouverais l’équilibre perdu au Chili, longue bande de terre où je me sentais prête à basculer.

Six ans plus tard (déjà!), notre vie ici a pris forme, elle est heureuse, belle, douce, autant qu’elle puisse l’être à 12 000 kilomètres de mes parents, de mes frère et soeur, de mes amis.

On a fabriqué une vie, notre vie.

On a creusé notre trou parce qu’il faut bien, comme m’avait dit dans un haussement d’épaules un ami perdu de vue depuis dont je moquais la sédentarité.


Une vie s’installe à pas de loups, elle creuse ses fondations sous vous, sans que vous n’ayez sorti à grand renfort de cling et de clang une pelle bruyante.

Accepter l’évidence.

Le trou met du temps à se creuser. C’est long, parfois, de comprendre. C’est long, d’entrevoir d’abord, de penser confusément, de penser ensuite plus clairement, de ne pas oser se le dire, mais de finir par se le dire tout de même, de se l’avouer, de comprendre, d’accepter, enfin: ma vie est ici. 

Accepter l’évidence.

Ça a été long de comprendre que mes parents, dont j’avais espéré qu’ils s’installeraient au Chili une partie de l’année, avaient leur vie en France.

Accepter l’évidence.

Ça a été long de m’avouer que ma sœur, qui a vécu une partie de l’année au Chili ces cinq dernières années, serait sans doute, logiquement, forcément, appelée à fabriquer sa vie ailleurs.  


La vie s’installe et chacun se construit la meilleure vie qu’il peut, là où il se trouve.

Nous, ici.

Mes parents, en Normandie.

Ma sœur, rentrée il y a trois jours en France, où l’appellent de nouveaux liens.


Je n’habite pas au bout du monde.

Je vis au bout du monde.

Je n’ai pas à espérer que mes proches creusent leur trou ici, mais je mesure la chance qu’ils puissent venir régulièrement dans ma vie qui, pour l’heure et pour un temps long, est au Chili.


Je ne leur dis plus “au revoir” à l’aéroport en espérant les aspirer dans ma vie.

Je leur dis au revoir avec un sourire reconnaissant, une confiance en leur affection et un trou au cœur.


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Batailles rangées⭣

Heloise Simonfamille