Basique

 

Batailles choisies #483

À quoi ça sert d’avoir des enfants? Mais à rire bêtement, bien sûr! 🤭


 

Confessions d’une écrivaine: j’ai un humour très basique. Rien ne me fait plus rire que des blagues de prout, des histoires de pets ou de cacas. J’ai assez honte de cette simple équation prout = rire, et je fais tous mes efforts, au point que c’est parfois une lutte, pour ne pas éclater de rire quand mes enfants se laissent aller à leurs gaz, alors que mon rôle de mère et la plus évidente bienséance devraient leur lancer des regards courroucés, les tancer de remontrances en flèches et pousser des cris d’orfraie. 

Confession faite, nous arrivons à un lundi matin comme les autres. Assis en face de nos bols, l'œil perdu, les cernes marquées et les cheveux en épis, ça commence mal. Milieu me dit qu’il ne veut pas aller à l’école, Dernier s’impatiente qu’on ne lui amène pas assez vite à manger et Grand commence à faire tinter son verre avec une fourchette. Mari et moi avons déjà la mâchoire serrée, devons déjà prendre sur nous pour ne pas nous énerver, d’autant qu’on a passé un mauvais week-end, froid, pluvieux, à tourner en rond, à se disputer. Le dimanche, j’ai difficilement fait un peu de cuisine, du pain pita, que Mari vient de préparer en sandwich. C’est ainsi pour mes enfants un pain nouveau, réussi (mais nouveau), bon (mais nouveau), tendre (mais nouveau), chaud et moelleux (mais nouveau). Grand dit donc, sentencieusement, en regardant dans son assiette ce pain auquel il n’a jamais goûté: “j’aime pas!”

La tension monte d’un cran. 

Grand repousse son assiette et prend un moue dégoûtée.

La tension monte d’un deuxième cran.

Après le week-end moisi, je me dis que non, pas encore, on ne va pas encore se disputer, crier, entrer dans le jeu sans fin et pas drôle des chantages et des reproches, je me dis que je n’ai aucune envie d’expliquer, d’obliger, encore moins de cuisiner autre chose. Non, on a bien mérité un peu de distraction, un peu de légèreté, un peu d’air. Je me lance alors dans un récit hypnotique, qui devrait faire redescendre la tension, celui de la préparation du pain pita:

- Les enfants, vous savez comment on fait le pain pita? C’était la première fois que je préparais cette recette super basique et j’ai découvert quelque chose d’extraordinaire… d’incroyable! D’abord, on doit préparer la pâte, on met de la farine, de la levure, de l’eau, bon, vous savez. On laisse lever la pâte jusqu’à ce qu’elle double de volume. Elle devient énorme! Et ensuite il faut l’aplanir avec un rouleau à pâtisserie. Et c’est là que c’est incroyable!

Milieu et Grand m’écoutent. Ils ont tous deux commencé à oublier leurs réticences et mangent le sandwich du bout des lèvres. Leur attention m’encourage à poursuivre:

- La pâte, quand elle lève, se remplit d’air. Et quand on l'aplatit au rouleau, l’air s’échappe… et ça fait des bruits comme pfffit, prrrouwuit… la pâte pète! 

Grand et Milieu rient doucement. J’en rajoute. 

- La pâte fait des prouts… proououot, prouout!

Les enfants rient de bon cœur. Les tensions se sont dissipées, déjà, et le petit-déjeuner retrouve un air de complicité. Mari, qui sait que je ris des plus basses bêtises, et que nos enfants aussi, se fait une joie d’enchaîner: 

- Quoi, Maman cuisine des pains péteurs, maintenant? On mange du pain de prout, là? Et ce matin, j’ai fait des sandwichs au prout?

Les enfants éclatent de rire, se bidonnent et oublient qu’on n’aime pas le nouveau en se poilant d’un classique. Ils mordent dans le pain à pleines dents.

Mari monte les plaisanteries de bas étage d’une belle volée de marches. 

- Et quand on va aux toilettes, on dira, euh, ne venez pas, je vais faire un pain-pita! 

Ça y est, le petit-déjeuner a dégénéré. On s’est retrouvé en famille, en rire, en paix.

Rire de prouts.

Rire en famille.

La base.


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