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Batailles choisies #574

Face à la perspective de deux semaines de “vacances” avec mes trois enfants, j’ai décidé de suivre un programme très serré. 🤓


 

Lundi

8h Petit-déjeuner

10h Aller à pied faire des courses

11h Monter aux jeux de la Lagune

12h Déjeuner

14h Sieste pour Dernier, moment télé pour les grands

15h Faire découvrir la pâtisserie aux enfants

16h Proposer un temps calme: coloriage ou lecture

18h Sortir au grand square pas loin de la maison

19h Dîner

20h Coucher.


Mardi

8h Se donner un temps calme - gronder tout le monde parce que les enfants font une bataille de coussins dans le salon

10h Tenter de sortir à tout prix, vélo? trottinette? à pied? la place? dans la rue? foot? bon, dans le jardin, entendu, on reste dans le jardin alors

11h Goûter du matin, goûter sain, des clémentines, ok, des chips, mais seulement trois, et aussi une clémentine, bon demi-clémentine et dix chips

12h Sortir mes six bras pour nourrir Dernier, couper sa part à Grand, éponger le verre d’eau renversé, séparer la viande des lasagnes pour Milieu, servir un autre verre d’eau, fourrer des pâtes à mains nues dans la bouche de Dernier parce que c’est plus simple et que mes enfants sont des vrais cro-magnons de toute façon

14h Se fâcher sur Dernier qui gazouille, crie, pleurniche, dit tout le temps “non pas dodo, pas dodo”, avant de se mettre à déménager tous les meubles de sa chambre plutôt que de faire la très nécessaire sieste 

15h Proposer dix goûters qui ne prennent pas, tenter tous les fruits qu’il me reste, passer aux biscuits, courir après les enfants pour que celui-ci finisse son yaourt, cet autre son bol de céréales et celui-là sa gelée, trois dangers pour le canapé et le tapis, trois dangers que je n’évite pas mais dans lesquels au contraire je saute à pieds joints, crack les céréales sous mon pied, ploc le yaourt, shchlouf la gelée 

16h Sortir à la place. Sortir juste dans la rue. Tant pis

18h Courir après les enfants parce qu’ils sont revenus sales, mouillés et froids et que c’est tout ce qu’il me manquait, d’avoir des enfants malades en vacances

19h Servir le dîner au son de Baby Shark et Papa Pingouin, espérer qu’ils mangent 

20h Prier que ça s’arrête



Mercredi

8h Essayer d’habiller les enfants - se fâcher

10h Essayer de sortir avec les enfants - se fâcher

11h Essayer de cuisiner avec les enfants - se fâcher

12h Essayer de déjeuner tous les quatre en même temps - essayer d’insister sur les bonnes manières - essayer d’éduquer des garçons serviables - se fâcher - se fâcher - se fâcher

14h Essayer d’endormir Dernier - se fâcher

15h Réussir à endormir Dernier - respirer

16h Essayer de faire une après-midi jeux de société - arbitrer - négocier - se fâcher - ranger.

18h Essayer de jouer de la musique avec ses enfants - se fâcher

19h Essayer de leur faire découvrir les joies d’un dîner d’hiver, polenta, champignons à la crème et soupe de poireaux - se fâcher

20h Essayer d’endormir Dernier qui pleure, Milieu qui chouine, Grand qui boude - se fâcher. S’en vouloir. Se coucher.



Jeudi

8h Proposer du coloriage

10h Nettoyer les murs

11h Demander, à genoux, n’importe où, oui, on va où vous voulez, mais on sort, on sort, s’il vous plaît, c’est pas bon de tourner en rond comme ça

12h Avoir une grosse engueulade avec Grand

14h Boire un grand café à long traits, retenir des larmes, trouver qu’être parent c’est trop dur certains jours 

15h Faire un gros câlin à Grand et Milieu - on essaie de se parler plus et de se disputer moins d’accord? 

16h Les laisser jouer, s’émerveiller de leur imagination 

18h Ranger

19h Dîner quelque chose que tout le monde aime

20h Les coucher. Se doucher.


Vendredi

8h Supporter

10h Regretter

11h Désespérer

12h Abandonner - des pâtes à rien, très bien

14h Mettre un autre film

15h Rire aux éclats devant la danse du popotin

16h Sortir à tout prix - Rentrer à tout prix

18h Se doucher

19h Finir les restes

20h Passer la première semaine. 


Souffler. Souffler. Souffler.

Et recommencer.


Batailles en vrac⭣

Batailles rangées⭣

Heloise Simonfrères, vacances
Déjà
 

Batailles choisies #573

Mon Milieu a soufflé ses cinq bougies, l’occasion pour moi de souffler depuis le creux de ma main mes plus belles platitudes. 🍃


 

C’est une journée particulière. Beaucoup de bruit et d’agitation autour de moi me font paradoxalement entrer dans une parenthèse réflexive. Pourquoi j’écris ce blog, déjà? Alors que cette année, j’ai beaucoup de cours et peu de temps. Pourquoi je me bats pour garder cet espace à moi quand il serait plus simple de vivre au rythme de la famille, de vivre dans le bruit et les cris, d’accepter qu’ils tuent ma petite voix intérieure.

Pourquoi? Dans mon écriture, j’essaie de cerner les difficultés d’être mère sans en omettre les joies, grandes et petites, que je peux ressentir à vivre quotidiennement ce rôle ingrat. J’essaie de le faire avec subtilité, nuances, d’être là où on ne m’attend pas, de décrire le quotidien dans tout ce qu’il a de plus banal, car le banal, comme l’intime, est politique. Je cherche à faire passer, à travers mon blog, le sens des injustices immenses qui nous étouffent, nous écrasent, tout en donnant l’impression que c’est toujours de notre faute, à nous les mères, et que nous n’en faisons jamais assez. Mais je suis loin d’être la seule à analyser les oppressions capitalistes et hétéropatriarcales. Beaucoup d’autres voix le font mieux que moi, avec plus de rigueur scientifique, avec une portée bien plus grande. Pourtant, il y a une telle singularité dans chacune de nos vies de mères… J’ai envie de faire entendre ma propre voix. Je pense avoir ma place en décrivant la frustration du panier de linge sale qui déborde, les sorties galères qui resteront gravées comme des souvenirs pleins de bonheur, l’impression de ne pas réussir à faire grandir droit un enfant de sept ans, le sentiment de se retrouver, tous les jours, face à un mur.

J’essaie d’écrire une chronique sincère qui ne se lit pas ailleurs, certaine que ça importe, dans l’acharnement.

Je repense aujourd’hui, en cette journée particulière où nous fêtons les cinq ans de Milieu, à ma vie, il y a cinq ans. Je me revois, à Viña, où nous habitons à l’époque, avec un terrible two et un nourrisson. Je me revois, souvent empreinte de tristesse, de résignation: j’ai le sentiment que ma vie est bien moins douce et heureuse que celle que j’ai eue jusqu’à maintenant, que celle que j’imaginais avoir. Je n’aime qu’à demi ma vie, sans savoir si c’est parce que mes enfants sont encore petits ou si c’est parce que ma vie ne sera jamais mieux que ça. Je vis avec une incertitude et un sentiment d’échec qui me pèsent.

Aujourd’hui, sous la pluie de ballons d’anniversaire, depuis notre jardin, sous un beau soleil, maintenant que je vois comme mes enfants grandissent, devenant moins aliénants, que j’aime mon travail, que mon seul regret est que je n’ai pas plus de temps pour écrire, je me dis que vraiment, elle semble loin, cette vie de Viña, au bonheur incertain, indécis. Elle semble aussi loin que le bébé calme de l’époque l’est du Milieu hurlant de rire et sautant partout que je vois là-bas, parmi ses amis.

J’ai beau cherché à écrire dans ma voix singulière, tracer mon propre chemin, me voilà bien obligée de regarder mon fils, et de me dire, comme tout le monde: oh, comme ça passe vite! Il a déjà cinq ans!

Déjà!


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