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Un temps de qualité avec Milieu
 

Batailles choisies #631

Une soirée et une journée en tête à tête avec Milieu. Beaucoup d’anticipation et d’espoirs, plus encore d'imprévus et d’impondérables. 🤮


 

Incroyable, tout ce temps que je vais passer avec Milieu! Ça ne nous est pas arrivé depuis … ouf… la dernière fois ça devait être quand Milieu était le plus mignon, le plus facile aussi, des petits bébés. Depuis ce temps-là, et d’autant plus depuis qu’il est devenu l’enfant du milieu, Milieu est l’extra, l’éternel invité, le +1, le supplément, la colle, appelé aussi de façon moins poétique le bouche-trou. On va à l’escalade pour Grand, Milieu viendra aussi ; on va à la salle de trampoline pour Dernier, on va prendre Milieu aussi, ça le défoulera. Mon deuxième fils joue tout seul pendant que je fais les devoirs avec son aîné, ou joue tranquille parce que je dois gérer une crise de son cadet. Avec cette (somme toute relative) négligence, vient son (gros) lot de culpabilité.

  

Alors, une soirée de vendredi, une journée de samedi et une matinée de dimanche seule avec Milieu, quelle chance! Je m’en réjouis tout particulièrement, lui dis à plusieurs reprises durant les jours précédents que tu te rappelles, on sera que tous les deux, on fera ce que tu veux… bref, je lui vends du rêve comme pour une couscoussière sur un marché.

 

On est le fameux soir du vendredi non moins fameux, et Milieu et moi, main dans la main, tranquillement, rentrons à la maison.

- Mon chou, ça te dit qu’on fasse une partie de cartes tous les deux?

- Maman, est-ce que comme mes frères ne sont pas là, je peux jouer aux jeux-vidéos sur la tablette de Papa?

- Euh, ben, enfin… si tu veux, d’accord, un petit temps seulement, hein? Et après on fera une partie de cartes?

- D’accord, Maman.

Mon tête-à-tête avec Milieu commence donc seule dans la cuisine à ranger les boîtes à goûter, les thermos et les sacs pour le déjeuner. Comme tous les jours, donc. Bon, peu importe parce que c’est l’heure d’arrêter le jeu! Allez Milieu, on fait notre partie de cartes?

Toc toc toc.

- Ah, attends, on frappe à la porte. Milieu, c’est A., il veut jouer au…

J’ai à peine le temps de finir ma phrase que mon petit footballeur en herbe me laisse dans le vent, évidemment ravi d’aller taper le ballon avec son coach et meilleur copain.

Je laisse les cartes sur la table, tourne un peu en rond à la maison, fais un peu de youtube, un peu d’ordinateur, ouvre le frigo, vois qu’il n’y a rien pour ce soir, me dis que je pourrai mitonner un quelque chose que mon Milieu adore, abandonne aussitôt parce que je n’ai aucune envie de cuisiner - on fera des oeufs au plat - et attends.

Et j’attends encore un peu.

Et encore un peu. 

Heureusement qu’A. doit partir parce que ça permet à Milieu de se rabattre sur son plan B: Maman. 


- On fait la partie de cartes?

- J’ai faim, on peut manger?

- Euh, ben, enfin… oui.

Milieu adore les oeufs aux plats de sa p’tite maman, enfin, si j’enlève le jaune. 

On dîne rapidement sur le comptoir de la cuisine, on échange quelques mots, quelques sourires, fatigués qu’on est tous les deux par la semaine. 

Puis, chacun dans sa douche, rapidement, chacun en pyjama, vite vite, sous la couette pour notre petit moment sacré du vendredi soir: notre soirée documentaire, animalier, historique ou géographique.

J’avais prévu d’être ferme et de le faire dormir dans son lit, mais bon… il faut bien que je profite de ce moment… c’est bon, tu peux dormir ici!


Vendredi s’achève, le jour se lève sur un samedi exceptionnel. Mon petit chou tombe du lit à sept heures et dois attendre onze heures pour aller à l’anniversaire de son super copain E. Pour s’occuper, on fait donc quelques très agréables parties de cartes, vraiment, ça valait le coup, puis je range la maison toute seule parce que Milieu est parti retaper le ballon avec son super pote du bout de la rue.


L’anniversaire d’E. se fait dans un parc d’attractions du coin, et moi qui m’imaginais soit assise sur un banc à profiter du beau soleil, soit à partager rires et complicité avec mon fils, me retrouve surtout à talonner une bande de gosses de six ans passant d’attractions en attractions, dont mon fils, qui n’en a rien à faire que je sois là, m’ignore superbement, voir me chasse comme une mouche quand je lui dis de rester bien à l’ombre. Je m’attendais à mieux, à tous points de vue, pour mon temps de qualité avec Milieu, pour ma matinée dehors, pour l’anniversaire aussi: les parents sont à peine sympas, le déjeuner d’anniv est constitué de polystyrène, de carton et de poison, sous forme de hot-dog à la fois sec et mou, de chips dégueus et de soda ultra chimique.

      

 De retour à la maison, il faut bien me résoudre à dire la vérité vraie, crue, nue, terrible: Milieu n’a aucune envie de passer du temps avec sa maman vu qu’à peine arrivé, et après son temps télé hebdomadaire, il se précipite pour inviter le petit voisin.

J’ai du temps pour travailler sur mon blog, il faut positiver.

J’ai même le temps de regarder quelques vidéos et de m’avancer pour les repas de la semaine prochaine.

Il faut positiver, hein.


Je retente la partie de cartes, ou au moins, un moment de lecture, quand le copain s’en va. 

Sauf que… le petit voisin n’est pas parti depuis plus de 2 minutes que Milieu se plaint d'une douleur de gorge. 

- Ah bon? 

- Oui, j’ai mal ici… et aussi j’ai envie de vomir.

 - Ah d’accord, dis-je tranquillement. Tu veux aller aux toilettes? finis-je par proposer sans conviction.

La réponse vient sous forme d’un jet de vomi qui atterrit sur les chaussures de foot flambant neuves que Milieu ne veut quitter sous aucun prétexte, sur mes chaussons, quelques mèches de mes cheveux, sur mes vêtements et la moitié du carrelage de la cuisine.

Exit les plans sympas pour la soirée en même temps qu’exit le soda dégueu, les chips grasses et le hot-dog en polystyrène. 

Il me faut casser le rythme cool, passer en mode vite, vite, vite, mettre Milieu sous la douche, descendre nettoyer le sol, remonter un seau, trouver un pyjama, puis un deuxième parce qu’à peine enfilé, il reçoit une deuxième projection, vite, vite, vite, câliner Milieu, laver les draps souillés, apporter de l’eau, vider le seau, caresser les cheveux de mon fils, le laisser dans mon lit, l’aider à se tranquilliser, l’endormir, le rassurer quand il se réveille pour vomir une troisième fois, et se met à pleurer de façon incontrôlable.

Les joues encore baignées de larmes, Milieu se colle à moi sous les draps, en me suppliant d’une petite voix gémissante : 

- Tu peux rester toujours avec moi?   


Ce n’est pas le temps de qualité que j’espérais mais, enfin, finalement, on a bien besoin de sa petite maman.


Batailles en vrac⭣

Batailles rangées⭣

La preuve
 

Batailles choisies #619

Arrive-t-on à dépasser le sentiment d’être responsable d’un manque de son enfant? Ou passe-t-on sa vie avec un cœur pincé, à chercher des preuves qu’on ne l’a pas irrémédiablement affecté? 😞


 

J’ai déjà évoqué souvent cette culpabilité qui m’étreint avec plus ou moins de force, du pincement de cœur au serrement d’estomac, de l’inquiétude légère à la mauvaise nuit de sommeil, lorsque j’ai le moindre problème, la moindre difficulté avec Milieu, ou que, pire, lui, éprouve une difficulté. À chaque fois, je reviens à cette deuxième année de mon fils du Milieu, où, pendant plusieurs mois, il a manqué de sommeil, parfois plusieurs heures quotidiennes, sans que je réussisse, en pleine pandémie, accaparée par mes garçons, vivant avec ma belle-mère, sous son toit et sous son joug, incapable de faire changer des horaires que je ne contrôlais pas, à lui donner la possiblité de satisfaire un besoin physiologique si essentiel et dont j’ai peur que le manque ait créé des séquelles, des retards de développement, un manque de capacité d’attention, que sais-je encore - bien qu’aucune étude ne montre de lien entre ces deux éléments.


Alors quoi, c’est la rentrée de Milieu en grande section de maternelle, et il s’accroche à mes jambes en pleurant? Alors quoi, quand je lui demande ce qu’il a fait à l’école, il me dit “rien” d’un air mauvais, avant d’ajouter “j’aime pas l’école”?  C’est peut-être ce manque de sommeil quand il était petit… c’est sûrement ma faute?   


Je n’arrive pas à m’en défaire, de cette inquiétude logée dans mon cœur. Je vacille à chaque fois, entre l’impression que c’est un pressentiment de maman qu’il faut que je suive, et l’idée que c’est une peur idiote et irrationnelle qui non seulement est ridicule, mais qui en plus, nourrie de mes propres faiblesses et angoisses, m’embrume la vue, et m’empêche de voir ce qu’est mon fils, comment il est, comment il grandit. Je paie le triple prix: il n’a peut-être rien, et je m’inquiète pour rien; il n’a peut-être rien et je lui transmets mes angoisses qui peut-être, lui donneront quelque chose; ou il a quelque chose et c’est de ma faute.


Alors comment me sortir de cette mauvaise soupe de culpabilité? Il est si difficile de démêler ce qui est lié à sa personnalité et ce qui est lié à son développement... 

Je cherche, je regarde, je furète, à la recherche de preuves que oui, il va bien, que non, il ne se développe pas de travers, que non, il ne lui manque rien pour grandir, avancer, devenir quelqu’un. 

Non, sa petite enfance ne lui a pas laissé de traumatisme durable! Voyez pour preuve: il pose plein de questions, récite ce livre par cœur en y mettant le ton, a fait de grands progrès en français, est excellent en construction de Lego, joue au foot avec des enfants plus grands dont il devient facilement l’ami. Ou bien… est-ce de ma faute, s’il est si pleurnicheur, incapable de dire ce qui lui arrive, d’exprimer ses émotions, s’il se montre si fermé à partager, s’il n’aime pas et n’a encore jamais aimé l’école, s’il préfère lire seul (c’est-à-dire feuilleter un livre dans son coin) que d’apprendre les mots nouveaux que sa petite maman a si envie de lui faire découvrir?  


Ou bien, est-ce, juste, son âge, et je me monte la tête au court-bouillon

La mauvaise soupe… 

Simplement distrait ou manquant d’une connexion essentielle? Discret ou incapable de comprendre avec ses émotions? Plus de limitation pour la compréhension des langues ou habileté pour d’autres choses? Il est si difficile aussi de ne pas comparer Milieu avec son frère aîné, qui est scolaire, adore l’école, parle sans arrêt et aime que sa maman lui apprenne des choses.   

Ou ne serait-ce pas que le plus difficile, c’est de ne pas laisser sortir toutes mes angoisses, celles d’une mère qui se retrouverait bien mal en point que ses enfants ne réussissent pas par l’école, moi qui ne connais aucun ascenseur social hormis celui que j’ai moi-même emprunté?


Et quoi… cette note dans son carnet de correspondance, qui indique que Milieu a besoin de cours de soutien en vocabulaire…? Ce serait la… preuve?


Laisser faire, attendre, souffrir en silence, espérer que le plus gros problème de Milieu, ce soit moi.


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