C’est absurde

 

Batailles choisies #228

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C’est absurde d’avoir des enfants - d’un point de vue personnel, écologique, économique. 🍀


 

C’est absurde d’avoir des enfants. Aujourd’hui, je n’y trouve pas de sens. Je ne sais pas pourquoi j’ai des enfants. 

C’est absurde de m’épuiser à des nuits sans sommeil, de devoir apprendre sur le tas avec une maladresse infinie comment faire vivre un être humain, de se consumer en doutes, en questions, de se faire juger, critiquer, de se critiquer soi-même sans cesse, de vivre avec le sentiment que je ne vais jamais y arriver, d’étirer mes relations avec mon mari, avec ma famille jusqu’à la peur de craquer, de courir après un peu plus d’argent parce qu’il en manque encore pour être tous heureux, de passer moins de temps à vivre pour soi, de passer plus de temps à chercher à fuir mes enfants qu’à rechercher leur compagnie. C’est absurde.


Je repense à ce matin-là, sur la route très fréquentée de la crèche qui passe au milieu des champs. Il est tôt, les véhicules amènent les travailleurs aux bureaux de la capitale. Je vois à ma gauche des ouvriers agricoles en plein épandage de pesticides. On dépense des milliards pour essayer de soigner les cancers de ceux qui nous nourrissent, pour soigner les cancers de ceux qui mangent leurs récoltes, dont une grande part sera jetée pendant que d’autres meurent de faim.

C’est absurde.

Ça n’a pas de sens.

Dans le rétroviseur, je distingue le visage doux et encore un peu endormi de mon fils. Ses beaux yeux noisette regardent le paysage qui défile dehors, des champs, la précordillère superbe, les maisons isolées, les résidences pavillonnaires qui poussent comme des champignons.

Le monde qu’on a construit pour accueillir un enfant est absurde.


C’est absurde de me faire courir à la crèche alors qu’il fait à peine jour, de faire croire que l’enfant n’a besoin que de sa mère, d’éliminer les pères de la famille en les éloignant le plus possible de leur foyer. C’est absurde de créer une monde qui a besoin des enfants et qui fait comme s’ils n’existaient pas. C’est absurde de nous faire aller d’un rendez-vous à l’autre, d’un travail sans intérêt à l’autre, pour acheter des choses qu’on va irrémédiablement jeter. C’est absurde. C’est absurde de vivre enfermé, de ne pas respecter le rythme des saisons.


Aujourd’hui, je suis à la campagne, au grand air. Je regarde Milieu, bientôt trois ans, qui est dehors depuis sept heures du matin, qui, dès qu’il sort du lit veut aller gambader dans le terrain. Les joues et le bout du nez rosi par le froid du petit matin d’automne, il éclate de rire en courant après des feuilles. Il est gourmand de vivre, de savoir, de grandir aux côtés des siens, il veut toucher à tout, courir en rond, sauter, crier, jouer avec les chiens de sa grand-mère, jeter des cailloux, casser des branches, faire des petits tas de terre. Il est fragile et invincible, à jouer avec le monde du dehors. 

La volonté d’un enfant, son ingénuité, sa simplicité, sont magnifiques.


C’est absurde de ne pas avoir d’enfants en qui on peut retrouver la beauté du monde.

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