Une aide précieuse

 

Batailles choisies #236

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Le regard de S.O.S. d’un père s’occupant de ses enfants, est-ce un bug ou est-ce en série sur tous les modèles? 🥺


 

“Je vais me charger des enfants, ce week-end, pour que tu puisses te reposer, ma chérie.”


Oh, mais quelle belle nouvelle!


Je me mets au bureau que mon cher et tendre occupe d’habitude. J’ai monté café crème, petite douceur aux fruits rouges et grand bonheur

Du temps à moi! 

Du temps à moi où je ne m’occupe pas des problèmes des autres! La large fenêtre s’ouvre sur un paysage de campagne, les rayons du soleil montant, par un matin encore froid, dorent le bleu des collines. Je vais pouvoir écrire un peu, c’est merveilleux. 

J’ouvre une nouvelle page de mon traitement de texte et l’intitule sobrement “Mon chef d’œuvre”. Oui car, ce matin, pendant la sieste de Dernier, pendant que les aînés regardent des dessins animés, je vais écrire un chef d’œuvre.


Ouin!

Mon mari tient dans ses bras Dernier, qui commence à s’agiter et s’énerver.  

- À quelle heure il a tété? me demande-t-il, prêt à s’éclipser dès que je lui aurai donné la réponse. 

Monsieur est souriant, détendu, confiant. C’est dimanche matin.

- À sept heures. Il n’a pas faim, il est juste fatigué, il faut l’aider à s’endormir. 

Dernier s’endort en général facilement à cette heure-ci, le bercer un peu devrait suffire. Les parasites disparaissent, je peux me mettre à mon chef d’œuvre. 

Qu’écrire sur cette page blanche?  


Oouin!

Mon mari passe sa tête par la porte:

- Tu l’as changé il y a longtemps? Sa couche est propre?

- Vérifie, mon chéri.

Dernier s’est mis à sangloter. Il a sûrement raté le train du sommeil. Courir après ce train, raccrocher les wagons, se gagne de haute lutte: pas de temps à perdre, rester sur les rails, continuer à le bercer. Il est juste fatigué, chéri.

Bien, je me lance dans mon chef d’œuvre. 


Ooouuin!

Les sanglots de Dernier sont montés en intensité: il pleure à chaudes larmes et à grands cris, malgré les câlins prodigués par son père. Je sens en bas la tension monter. La bataille se poursuit entre père et fils, la bataille se poursuit en moi pour ignorer ce problème qui n’est pas le mien et poser le premier mot sur ma page blanche. 

Ça doit être un mot puissant, fort, un mot jeté à la face du monde!


Oouiiiinnn!

Des pas pressés montent les escaliers. Mon mari passe devant la porte du bureau. Repasse dans l’autre sens. Descends. Monte. Redescends. Remonte. Il tourne Dernier dans tous les sens pour trouver la bonne position des bercements, qui ont de moins en moins de tendresse et ressemblent davantage aux cahots d’un chariot déglingué. Dernier est rouge, il hurle d’impatience. Monsieur est blanc, bouche pincée, visage en stress, les yeux furetant pour une réponse à ce grand mystère d’un bébé qui pleure. Monsieur est débordé, paniqué, il esquisse des “non” involontaires de la tête, soupire très fort.

J’essaie d’oblitérer ces cris, ces pleurs. Je les connais, il faut juste insister un peu pour l’envoyer, lui, au royaume du dodo et nous, au royaume de la paix. 

Je vais poser mes premiers mots: Oooooouuuuiiiinnnnn!


- Chéri, je lui fais faire un petit tour dehors?

- Oui, merci, je ne sais pas ce qu’il a, j’ai tout essayé.


Je me moque gentiment du père de mes enfants, avec ses regards en détresse et ses sourires crispés qui appellent à l’aide. Parfois, on ne sait pas pourquoi, passer le relais à quelqu’un d’autre suffit à gérer une crise avec laquelle on est aux prises.


Quatre minutes plus tard, la fraîcheur de l’air et la chaleur de mon cœur ayant accompli leur mission, Dernier dort dans son berceau. La panique a disparu chez tout le monde. 


Retour devant mon document de travail.

Je vais changer le titre: “Essai”.

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Heloise SimonPapa, bébé