Un matin comme les autres

 

Batailles choisies #267

Un article où j’examine ce que je fais entre 7 et 9 heures le matin et ce que fait mon mari à la même heure, un article où il n’est aucunement question de féminisme, mais alors pas du tout. 🕖


 

Je ne ferai pas ma féministe. Je ne dirai pas que l’intime est politique. Je ne critiquerai pas ni pointerai du doigt les mécanismes de répartition inégalitaire du travail parental entre père et mère.  

Non, je ne ferai rien de tout ça. Je décrirai simplement deux petites heures d’un matin de jour férié - avec la permission de mon cher mari, et oui, je sais, chéri, le matin, ce n’est pas ton heure, tu es lent, tu es du soir.


7h30, je descends avec Dernier, allaité et changé. Le papa est dans la chambre au chaud dans le lit avec Grand et Milieu qui regardent des dessins animés pendant qu’il pianote sur son téléphone - lire le journal, comptes bancaires, achats.

8h, je prépare les petits-déjeuners, les plateaux-télé pour les enfants et la table pour les adultes, un, deux, trois cafés, pendant que mon mari balade Dernier dans la maison, ça me repose le dos, et me raconte ce qu’il a lu dans le journal.

8h30, petit-déjeuner fini, j’insiste pour que mon mari aille travailler. Mieux vaut quelques heures aujourd’hui, jour férié, pour une semaine plus cool. Allez, vas te doucher et travailler! Je fais de l’aérobic pour mettre tasses et assiettes dans le lave-vaisselle avec Dernier dans les bras.

8h35, les enfants, on va bientôt arrêter les dessins animés, je vais chercher vos vêtements en haut et je redescends.

8h40, tiens, Grand, habille-toi tout seul. Comment ça tu n’y arrives pas? Ok, je t’aide, attends, slip, pantalon, t-shirt, pull, chaussettes, comment ça elles sont où tes chaussures, cherche-les, dans l’entrée, dans la cuisine? 

8h45, la lutte gréco-romaine, discipline olympique de mes matinées de maman, va démarrer. Allez, Milieu, on va s’habiller et après on arrête les dessins animés. Le poursuivre sous la couette, une chaussette, le mettre debout, un t-shirt, lui enlever le pyjama, un coup de pied évité, lui courir après dans le couloir, non, mais il faut mettre un pantalon, il fait super froid, allez, regarde l’oiseau, là dehors, hop le pull et tes chaussures, elles sont où tes chaussures, eh, non c’est pas le moment de faire la course avec ton frère, attends, ne bouge pas, j’ai ton petit frère dans les bras, il commence à être fatigué, il pleurniche, chaussette manquante, chaussure droite scratch, chaussure gauche scratch. 


Ouf, ça y est. Tout le monde est habillé, on éteint la télé.  

Je monte chercher un pull pour moi et on sort, ok, les grands? 


J’arrive en haut des marches avec mon air crevé post bataille matinale: j’ai les cheveux ébouriffés, la tresse défaite, je suis en sueur d’être passée de l’un à l’autre des enfants, monter, descendre, changer trois couches, deux câlins, quelques jeux distribués avec mon énergie, je suis déjà à bout de nerfs et fais de mon mieux pour repartir avec le sourire. Dit plus vite, j’aurais besoin d’une bonne douche mais ça fait belle lurette que c’est impossible le matin si je veux que tout le monde soit prêt à commencer sa journée - depuis la naissance de mon aîné, certainement une coïncidence.  

 

Je croise mon mari qui sort de la salle de bains du haut dans un nuage de vapeur. Il est rasé de frais, les cheveux très courts à peine humides encore. Il passe à côté de moi dans sa fragrance de déodorant, m’offre un grand sourire serein, prêt à se mettre au travail, le teint reposé et me demande avec une douceur prévenante:

- Ça va, ma chérie? Je peux t’aider?


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