Le cruel optimisme

 

Batailles choisies #273

Une réflexion autour du dernier numéro de la newsletter Les Glorieuses et une suite à mon article d’hier: maternité, arnaque et auto-arnaque (avec une moralité en bonus) 🙃


 

Ce matin, ma belle-sœur a accouché d’une petite fille. Bienvenue à elles deux, l’une dans le monde, l’autre dans le monde de la maternité. 

Ce matin aussi, je découvre le concept de “cruel optimisme” en lisant la newsletter des Glorieuses.

Coïncidence? Je ne crois pas.


J’aime bien Les Glorieuses, j'y suis abonnée depuis plusieurs années. La seule chose, c’est que je me fais souvent la réflexion que cette newsletter féministe manque de mère, de maternité, de maman, quoi. Celle de cette semaine, dans laquelle je découvre l’idée de “cruel optimisme” de Lauren Berlant, me fait cet effet à chaque ligne, à chaque mot.


Le cruel optimisme, c’est “lorsque vous désirez quelque chose alors qu’il s’agit d’un obstacle à votre propre épanouissement” : comme quand on est une femme et qu’on désire à la fois des enfants et une vie à soi épanouissante?


Le cruel optimisme, c’est “la conjugaison d’un rêve magistral, de la mise en place de stratégies concrètes pour y arriver et l’omission inconsciente (ou consciente) qu’il existe des systèmes, des institutions qui empêchent l’avènement de ce rêve”: comme quand on décide d’avoir des enfants, qu’on fait tout pour mettre en place des équilibres entre les co-parents, mais aussi entre les temps de vie personnelle et professionnelle et que, malgré tous nos efforts, on se retrouve coincée dans un système qui donne à la mère la majorité des responsabilités parentales?


Le cruel optimisme, c’est quand “on fait croire que quelque chose est possible tout en sachant pertinemment que ce n’est pas le cas”: comme quand les gouvernements du monde parlent de politique en faveur des familles, des mères, et que c’est une vaste blague?


Le cruel optimisme explique “les sensations et les résignations du présent, l’épuisement normalisé qui accompagne la vie dans la nouvelle économie”: comme quand les mères vivent constamment au bout du rouleau et qu’on leur dit qu’il ne faut pas se plaindre, que ça pourrait être pire?


Le cruel optimisme, c’est maman, c’est bibi, c’est mémère. Ça crie “maman” sur tous les toits.

Et ça me rappelle ma propre expérience et celle de beaucoup de mères: on se dit qu’on va y arriver, nous. Qu’à force de conscientisation et d’efforts, on va concilier l’inconciliable. Que ça va aller, malgré tout.

Et on se retrouve, à différents degrés, dans une fable cruelle dont la morale pourrait être “car l’optimisme est une bien dangereuse matière quand le monde est construit à l’envers”.



J’espère pour mon beau-frère et ma belle-sœur qu’ils arriveront à échapper au carcan de la famille traditionnelle et de ses rôles genrés.

Ils ont des atouts de leur côté: c’est elle le revenu principal du foyer, lui qui s’occupe en majorité des tâches ménagères; ils envisagent que lui prenne un temps partiel après le congé maternité. C’est un couple moderne que j’aime beaucoup. Ce sont des gens qui adorent les enfants et n’ont pas peur de travailler à leur parentalité. Ils ne savent pas encore que la difficulté de former famille est au-delà d’une saisie rationnelle: que c’est toujours beaucoup plus difficile que ce que l’on s’imagine. Mais ils peuvent y arriver. 


On a le droit à un peu d’optimisme, parfois, non?


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