Confinement - Jour 25

 

Batailles choisies #29

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En deux mots: les yeux de Grand sont hypnotisés par l’écran. Musique niaise, contenu à peine mieux. Ça y est, la voilà : la culpabilité, ce cadeau de la maternité. 


 

Certains jours, je me sens terriblement coupable

Aujourd’hui, j’ai eu un de ces moment-là où la culpabilité de maman me charge les épaules d’un pack de briques de lait, me perce de ses aiguillons minuscules qui blessent le plus, m’oppresse le cœur.

Grand regarde encore un épisode d’une série censée être éducative qu’il adore et que je trouve assez nulle. D’un air fatigué et un peu lassé, il la regarde tout gentiment dans le salon pendant que je travaille dans la cuisine.

je ne pense plus en termes de principes d’éducation mais en termes d’objectifs

Tous les jours depuis le début du confinement, je le colle devant un écran dès que Petit fait la sieste. Je ne critique pas les parents qui se reposent sur la télé, mais regarder peu ou pas d’écrans fait partie de mes objectifs de maman, tout simplement parce que je trouve que notre relation est meilleure ainsi. Je parle d’objectif puisque, depuis que j’ai des enfants, je ne pense plus en termes de principes d’éducation mais en termes d’objectifs, qui sont bien plus échec-friendly, acceptent davantage de tâtonner et sont moins difficiles à remettre en question.

Objectif, donc : peu d’écran.

Sauf que la sieste de Petit combinée avec la télé de Grand sont mon seul moment de travail assuré. J’en ai besoin, de ces deux heures. Parce que je m’occupe souvent seule des enfants pour que mon mari puisse travailler (bonjour patriarcat), parce que le télétravail dans des conditions correctes pour les parents comme pour les enfants en bas âge est une vaste blague, ne pouvant se faire qu’à un prix que personne ne devrait payer (chef sans enfant, bonjour), parce que pour abattre mon travail, je ne peux compter que sur ce début d’après-midi, quelques heures nocturnes après le coucher des enfants et quelques miettes par ci par là (bonjour rythme effréné), je n’ai pas le choix.

Si j’essaie de rationaliser, je sais bien que ce n’est pas si terrible. Je sais que ce n’est pas la journée entière qu’il y passe, je sais que c’est une situation exceptionnelle, je sais que le confinement fini, on reviendra à notre fonctionnement normal, je sais qu’il apprend quand même des choses.

Chaque parent a son ressort à culpabilité

N’empêche que je ne supporte pas de le voir comme ça. 

Chaque parent a son ressort à culpabilité. Je ne perds pas le sommeil si les enfants mangent des pâtes au pesto trois jours d’affilée, ou n’ont pas vu leurs grands-parents depuis trois semaines, ou ne disent ni bonjour, ni merci, alors que sans doute d’autres oui. Mais la télé c’est mon bouton de culpabilité, mon détonateur

Au fond, ce qui me brise, c’est qu’il ne la demande pas, sa télé. Je lui impose. Dès que Petit s’est endormi pour sa sieste, je branche le vidéoprojecteur, et apparaît, comme une anti Mary Poppins, la baby-sitter qui va me permettre de rester à flot dans ma vie professionnelle. 

Et là, cet après-midi, il a cet air fatigué, cet air abêti, et la culpabilité me tue. Il s’en passerait bien de cette série un peu idiote, je le sais.

D’ailleurs, il me dit plus tard : “Super, on va à la piscine ! La piscine c’est mieux que les vidéos, Maman ! Est-ce que demain, on peut plutôt aller ensemble à la piscine, sans vidéos?”

Objectif : ne pas pleurer.

 
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