Attention à soi

 

Batailles choisies #307

Prendre soin de soi quand on est mère, problème de tous les jours. 💆‍♀️


 

Trois jours de suite qu’au lieu de faire une sieste de deux heures le matin, Dernier se réveille au bout de quarante-cinq minutes, ou même pas trente comme ce matin.

Je l’entends qui s’éveille en hurlant, je me précipite pour le rendormir, câlin, tétée, bercements. Rien à faire. Rien. Il n’a pas assez dormi, mais il ne se rendort pas. Il va être difficile toute la journée, décalé, perdu dans ses rythmes mais rien. Rien à faire.


Les siestes du matin de Dernier, quand Grand est à l’école et Milieu à la crèche, sont le seul temps pour moi dont je dispose. Quand mon dernier-né dort, j’écris, je lis, je travaille parce que c’est mon plaisir, c’est mon existence. Je suis maman écrivaine, ou écrivaine maman, ça dépend dans quel sens on prend le problème, dit mon blog. Être les deux en même temps, c’est moi. Mais la maman menace constamment la femme qui écrit. Les deux se concurrencent: vivre ensemble ces deux identités est un jeu d’équilibrisme permanent peu recommandable pour ma santé mentale.

Durant les siestes de Dernier, je pratique ce que tout le monde nous recommande, pour notre bien, pour notre équilibre, hein, mamans, n’oubliez pas, ne VOUS oubliez pas. Je pratique le self care anglais, l’autocuidado espagnol, l’attention ou le soin à soi en français: j’écris, donc je m’occupe de moi, je pense, je réfléchis, je m’amuse avec les mots, je respire.

Les siestes de Dernier sont ma chambre à moi. 


Et si je n’ai pas eu ce moment d’attention à moi alors attention à moi! Je suis irritable, n’ai pas une once de patience. J’ai l’angoisse dans le ventre, le blues dans le cœur, la colère dans la tête et les larmes dans les yeux. 


Sauf que voilà, ce matin, Dernier s’est réveillé et, en plus d’être fatigué, est inconsolable.

Son Papa l’a récupéré, pour me laisser souffler, il va le balader dehors. Je mets un casque, j’essaie d’écrire, je n’ai pas beaucoup de temps, je vais voler la moindre minute, respirer à marche forcée, barricader ma chambre à moi.

Chaque minute compte. Une phrase, un mot, une angoisse que j’essaie de calmer en écrivant son nom.

Dehors, j’entends ses pleurs. 

Je sais que, quand Dernier est très mal, il finit toujours pas me revenir, revenir dans mon giron où l’on trouve du lait, du chaud, de cet amour qui fait du bien aux bébés aux chagrins immenses.

Je sais que je n’ai que quelques minutes.

Ses pleurs sont encore loin, mais ils se rapprochent.

Quelques mots, encore.

Le découragement me traverse le corps, vient peser de tout son poids sur mon cœur.

Les pleurs s’intensifient, c’est-à-dire s’acheminent vers leur destination.

Son père va bientôt pousser la porte, monter au deuxième.

Dernier hurle à la mort.

Mon espace, si fragile, si vulnérable, toujours le premier à s’effilocher, toujours le premier vendu, tremblote. 

Je referme l’ordinateur. Je vais lui donner le sein, oui, ne pas le laisser dans cet état.

Les pas dans l’escalier résonnent.

Les cris arrivent.

Les sanglots montent.


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