Confinement - Jour 39

 

Batailles choisies #43

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En deux mots:

“Et sinon, tu arrives à faire quelque chose (comprenez quelque chose qui m’intéresse) à part t’occuper des enfants?” Ouais, j’arrive à écrire. Et j’en ai marre qu’on me pose cette question.


 

C’est une question qui m’obsède alors j’ai envie de prendre un peu de temps (c’est-à-dire plusieurs billets) pour y réfléchir: est-il possible de faire de la littérature sur ses enfants? 

Je veux, en premier lieu, vous vendredi-confesser que depuis plusieurs années se forme en moi l’ambition d’être une grande écrivaine (ambition grandiloquente dont, excusez-moi, je ne m’excuserai pas malgré mon éducation féminine) et la certitude que je dois, pour cela, suivre une voie curieuse: écrire sur ma vie de mère, sur mes enfants, sur mon foyer. Que se loge dans ce quotidien souvent passé sous silence un matériau précieux, que ce matériau est celui qui me fera trouver ma voix/voie et qu’il m’appartient d’en faire un travail artistique.

Sauf que...

Sauf que…

Sauf que…

Sauf que...



Vous en connaissez beaucoup, vous, des écrivaines qui crient haut et fort que c’est en s’intéressant à leurs enfants qu’elles ont trouvé le plus de matière littéraire? Vous en connaissez beaucoup, vous, des prix ou des résidences littéraires qui s’adressent aux mères écrivaines (vraie question, écrivez-moi si vous avez des recommandations)? Vous connaissez beaucoup d’intellectuel.le.s qui dénoncent le peu d’intérêt que l’on porte à la chose maternelle?


Malgré cette évidence que la maternité, quand elle est portée par la voix de la mère, manque de légitimité en littérature, je m’acharne. J’y crois. Alors que tout semble indiquer que mon choix est une voie de garage. Et que j’insiste bêtement pour y manœuvrer en faisant un créneau avec un 3.5 tonnes.

J’ai souvent l’impression de parler dans le vide

En conséquence, j’ai très souvent l’impression de parler dans le vide. Pas seulement quand je demande à mes enfants qu’ils rangent leur chambre, mais aussi quand j’essaie de dire: je suis écrivaine et je fais de la littérature sur ma vie de maman. 

J’ai l’impression de parler dans le vide quand je parle de mes enfants, et qu’on me renvoie ce regard poli et moqueur qui veut dire “non mais ta vie n’a aucun intérêt”, ou bien le fameux “et sinon, tu arrives à faire quelque chose (comprenez quelque chose qui m’intéresse) à part t’occuper des enfants?” J’ai l’impression de crier au fond d’un puits quand je dis que c’est de ça que je parle dans mon écriture. “Ah bon, mais tu racontes quoi, alors?”



Je vais donc prendre le temps de comprendre ce que maternité et littérature ont d’incompatible.



Dans le prochain billet, je m’interrogerai sur les obstacles qu’une écrivaine devenue maman doit affronter dans le monde sans pitié de la littérature.

 
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