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Conditionnel
 

Batailles choisies #524

Conditionnel passé, présent, futur.  💌


 

Je n’aurais pas acheté, non, de jus de poires à la douzaine dans des bouteilles en plastique qui me donnent de l’urticaire écologique, jus que les enfants réclament ensuite comme un dû matin, midi et soir.

J’aurais sans doute insisté plus fermement pour que Grand aille se coucher à l’heure accordée.

Je n’aurais pas donné à Milieu une demi-douzaine de fraises juste avant le déjeuner.

Il ne faudrait d’ailleurs sans doute pas autoriser Grand, tous les soirs, à manger un chocolat, ni deux, encore moins trois, même s’il le demande de sa voix suppliante. 

Il faudrait aussi dire davantage qu’on ne peut pas se balader tout nu. Oui, ils sont beaux mes enfants, mais enfin, en bidou à table! 

Il serait plus recommandable, dans le même ordre d’idée, d’étendre les serviettes sur l’étendoir qui, paraît-il, sert à ça, plutôt que sur les côtés du trampoline, ce qui n’est pas la plus belle vue sur notre jardin arboré.

Je rangerais autrement les tupperwares, ceux en verre à gauche, ceux en plastique à droite, les couvercles toujours bien placés pour éviter les perdus, les cassés, les empilements sans fissure - je les rangerais comme il se doit, comme j’aime les ranger.

Et puisqu’on est sur le sujet de l’ordre, Papi et Mamie, je rangerais tout court: je rangerais les jeux dans leurs boîtes, les vêtements dans le placard et les pots en verre dans le tiroir à pots en verre - plutôt que les vêtements dans les paniers à l’entrée, les pots en verre à côté du grille-pain et les jeux sur la table à manger.

Je choisirais une paire de chaussures, plutôt que d’en laisser une bonne quinzaine à disposition dans l’entrée si possible dans le passage.

On ouvrirait les fenêtres le soir seulement plutôt que toute la journée, ce qui nous éviterait d’essayer de dormir dans une ambiance de sauna finlandais.

On pourrait aussi éviter de rire aux blagues de prout de mes fils, histoire de ne pas leur laisser entendre que c’est amusant.


Cohabiter avec ses parents pendant plusieurs semaines, c’est faire se rencontrer, s’affronter, s’accepter, des différences d’habitude, minuscules ou immenses. Deux familles, deux fonctionnements, deux façons, deux mondes parfois. Chacun a ses petites routines, chacun a ses travers, chacun a ses dadas. Et pour éviter les frictions, on tente les politesses, on dépoussière ses plus beaux conditionnels, ou on laisse tomber: on accepte les serviettes sur le trampoline et les dépassements d’horaire parce qu’après tout, il faut vivre le temps présent, avec la chance d’avoir les grands-parents ici.


Alors bon, je veux bien accepter ces manies, ces chichis, ces tocs et ces tics de Papi et Mamie… mais à une seule condition: que vous nous reveniez très bientôt!


Batailles en vrac⭣

Batailles rangées⭣

Heloise SimonPapi, Mamie
Le coup de la baguette molle
 

Batailles choisies #523

Deux moments de la vie de famille qui n’ont rien à voir entre eux: un tour de magie et une crise de Dernier - à moins qu’il n’y ait un rapport… 🪄


 

Mon père, en séjour pour quelques jours encore, est venu dans la classe de Grand faire des tours de magie, pour le plus grand ravissement des enfants. Oh, des cartes qui changent de place! Oh, des foulards qui se cachent!  Oh, des balles en mousse qui disparaissent! Oh, des abracadabras! Oh, des yeux émerveillés d’enfants! C’était un bien beau moment d’amuser les camarades de classe de mon aîné et de voir mon fils, fier et intimidé tout à la fois, regarder son grand-père faire le rigolo sur le devant de l’estrade.  


Cette belle histoire de partage et de transmission a-t-elle un rapport avec mon dernier-né?

Non. Pas du tout. Ou bien si, absolument: parce que Papi a fait un tour qui amuse follement les enfants: le tour de la baguette molle. Le magicien donne une baguette magique qui, dès qu’elle passe dans d’autres mains, devient toute molle. De nouveau dans les mains de Papi, elle est tout ce qu’il y a de plus normal. Puis, en changeant de main, dans celles d’un ou d’une camarade, hop, de nouveau le coup de la chique molle. Un classique qui fait rire les enfants…    


… et énerve les mères. Dernier, avançant à pas sûrs vers les terrible twos, a commencé à faire comprendre son désaccord, ses hors-de-questions et ses pas moyens en me faisant le coup de la baguette molle. Il veut attraper les produits ménagers et je m’oppose fermement en l’éloignant? Il se plie en deux dans mes bras. Et monter pour la 8e fois sur l'escabeau alors qu’on risque de se casser la figure? Il pèse de tout son poids la tête en bas en hurlant. 

Oh, qu’est-ce qu’il est pénible! Oh, qu’est-ce que j’en ai marre! Oh, patience! Oh, le laisser s’exprimer et rester ferme…


Alors qu’encore une fois je me retrouve avec Dernier qui se débat dans mes bras, se rend insaisissable, inattrapable en jouant à la poupée de chiffon, je me dis que j’en ai marre de ce truc, quand même! Et Grand, et Milieu, ils ont fait ça aussi?


Un tour classique, en effet… 


Au moment même où je me demande si mes aînés me faisaient ce coup, au moment même où ma pensée s’interroge, les souvenirs lui répondent. Je me revois avec Grand, emmenant de force un gosse résistant de toute sa mollesse loin d’un toboggan trop raide pour un petiot de pas encore deux ans; je me revois avec Milieu (Petit, à l’époque) voulant jouer avec un marteau de son père, je me revois faire de mon mieux pour éviter à son crâne les coins de porte, alors qu’il a plongé, tête en arrière, tête en bas, dos ployé, en signe de rébellion.


Certains jours, certains soirs, surtout, le coup de la baguette de chiffon, m’épuisent. Pourtant, à cet âge-là, quand on est un bébé en mue pour l’enfant, on a aussi le plus adorable des sourires, on fait aussi des bisous tout chous, on dit des mots délicieusement déformés.

Quel genre de mot?

Amamacada!

Quel mot?

Abracadabra, Dernier tout mignon, tu redeviendras!


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