Grande criade
 

Batailles choisies #504

Les soirs de hauts cris blessent les oreilles et le cœur…  🫢


 

C’est la grande criade d’une soirée difficile

Un soir où tout le monde pleure, crie, se fâche, hurle 

Jus renversé - engueulade

Chaussures dans l’entrée - débandade

Disputes pour un jouet - escalade

Coups de pied à son cadet - tornade

C’est la grande criade et mes oreilles bourdonnent et ma bouche résonne et mon cœur tâtonne

Ce soir, grande braderie!

Je brade! Je brade trois enfants! Je les brade un à un!

Je brade Grand qui nous met dans la panade à refuser tout net de faire ses devoirs

Je brade Dernier qui a préparé, de mots, de pleurs et de chouineries, une copieuse salade

Je brade Milieu qui se barricade dans ses caprices et enchaîne en pleurant à la cantonade cascades et roulades  

C’est la grande criade et je ne sais pas comment m’en sortir

C’est la grande criade d’une soirée difficile

Où ma patience est en cassonade


Et eux, les trois garnements, que font-ils?

Ils me canardent la bienveillance

Et trouvent que c’est le meilleur moment de plonger 

Dans la grosse marrade des histoires idiotes

Dans la grande poilade des blagues de popotin

Dans des bourrades qui vont mal finir, ils le savent, je le sais

Dans la belle galéjade de répéter tout ce que je dis

Dans la joie de faire entre eux de scatologiques rodomontades

Dans de folles pantalonnades et grand-guignolades

Terribles mitraillades pour une maman qui n’en peut plus


C’est la grande criade d’une soirée difficile

Alors que je ne rêve que de ballades, d’aubades et de sérénades

Que j’envie la vie fade que j’avais avant

Avant quoi?

Avant les enfants bien sûr

Avant les disputes et les empoignades

Avant les chamailleries et les brimades

Avant les soirs difficiles, 

Avant les soirs de noyade où d’amour maternel je n’ai que la façade

L’amour maternel, quelle mascarade!


À moins que…

L’eau qui coule puis

Le murmure

La respiration douce

Les bouches qui baillent

Le silence


La grande criade est finie et l’heure est venue de la désescalade

L’amour maternel sorti 

de sa rade

C’est l’heure des câlins, des dodos, 

Des accolades

Des embrassades

Des pommades

C’est l’heure où l’amour maternel

Jase muettement

Hurle en silence

Crie sans bruit

L’heure où la criade n’est plus

Où finalement la soirée n’était qu’une ballade

De plus

Où, fatigue, amour, pardon, raison,

C’est le moment de la 

Dégoulinade.


Batailles en vrac⭣

Batailles rangées⭣

Photo de famille
 

Batailles choisies #503

[Recherche tips] Comment prendre une belle photo de ses 3 enfants? Changer d’appareil? Ou changer d’enfants? 😛


 

Je n’ai aucune jolie photo de mes trois garçons. Aucune. Prendre une photo de mes trois garnements où tous sourient regardent l’objectif, où ils sont bien à peu près coiffés, où ils sont propres n’ont pas de chocolat autour de la bouche a été, jusqu’ici, impossible. Et ça me frustre terriblement: c’est pas trop demandé, non, d’avoir de l’amour en barre sous forme de photo de catalogue de ses enfants, à dévorer des yeux pour se rappeler, le jour où on a envie de les renvoyer à l’expéditeur, qu’on les aime? J’aimerais une photo, juste une photo parfaite de la fratrie parfaite. Et je crois que c’est pour aujourd’hui. Oui, aujourd’hui! Les conditions sont réunies, écoutez plutôt:

On est à deux adultes.

Mari a un bel œil et sait cadrer.

Son téléphone prend des photos de qualité.

Au square où nous nous trouvons, il y a un arbre aux branches basses et solides où les garçons aiment grimper.

La lumière de fin de journée en ce début de printemps est belle.


J’imagine mes trois garçons, avec leurs grands yeux brillants, leurs sourires aux dents blanches,  assis à califourchon sur une  branche de jacaranda, le feuillage en arrière-plan et la lumière dorée caressant leurs bouilles mignonnes et intelligentes… Cette photo, je la veux et je l’aurai.


- Allez, Grand, vient, on va faire une photo! Une belle photo, d’accord? 

Grand se plie avec bonne grâce et commence à grimper dans l’arbre. Son agilité laissant encore à désirer, il tente et échoue, puis retente et re-échoue à monter par lui-même. Il finit par me demander de lui faire la courte échelle, je m’exécute avec difficulté, réussit à le hisser sur la branche, où il attend ses frères, malaisé par la peur d'être déséquilibré, avec son plus beau sourire.

- Milieu, tu viens? 

Milieu, pour une raison qui n’est connue que de Milieu, est d’une humeur massacrante

- Non, répond-il en tirant la langue.

J’ai beau tenté de tout, cajoleries, encouragements, menaces, suppliques, non, non, Milieu ne veut pas monter dans l’arbre pour faire une belle photo et continue de me tirer la langue. 

Et cette lumière magnifique, et cette belle branche, et cette photo parfaite de la famille parfaite!

Je ne sais comment mais j’arrive à faire grimper Milieu, toujours d’humeur massacrante, mais au moins à califourchon sur la branche. 

Allez, plus que Dernier! 

-Viens mon bébé!

Je me contorsionne pour tenir Dernier sans que ça se voit dans la photo, mon visage collé au tronc, la main tremblante mais ferme. Je n'ai peur ni de donner de ma personne ni des positions ridicules ni des passants interloqués.

-Vas-y, chéri, prends les photos! Je hurle presque.


Dix clichés. Dans le premier, Grand est le seul à regarder l'objectif. Dans le deuxième, Milieu tire la langue. Le troisième est flou, le quatrième mal cadré. La belle lumière du cinquième révèle les taches de jus d'orange sur le t-shirt de Dernier et le chocolat autour de la bouche de Grand. Dans tous les autres, Grand a un sourire figé, Milieu, de son humeur massacrante, tourne ostensiblement le dos à l’appareil pendant que Dernier regarde en direction du sol et de cette maman qui prend des poses bizarres.

Bon, ben, il faut croire que c’est une fidèle représentation de ma famille.


Batailles en vrac⭣

Batailles rangées⭣

Heloise Simonphoto, famille