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Séparation(s)
 

Batailles choisies #639

Faut-il séparer les enfants, ou les parents? 🖇


 

Comment notre couple avec Mari a-t-il réussi à survivre? 

Qui sait?

Comment a-t-on continué à s’aimer alors que nous avons eu un, puis deux, puis trois enfants? Alors que nous sommes passés par les maladies de crèche qui collent des enfants morveux à la maison pendant dix jours? Alors que nos boulots n’offrent qu’une flexibilité toute relative? Alors que notre fatigue nous rend trop souvent âpres, désagréables? Alors que les bagages que nous traînons, Mari et moi, nos visions du monde, nos principes, nos idéaux parentaux, alourdissent notre relation, la rendent souvent pesante, pleine de malentendus et de désaccords profonds qui ne se rangent jamais vraiment dans un placard?  


Comment a-t-on réussi à éviter une séparation, alors?

Une séparation qui, parfois, semblait l’unique issue à la corde raguée de notre amour, prête à céder à la plus petite usure supplémentaire?


Eh bien parce qu’à un moment, et surtout depuis que Dernier a eu trois ans, nous avons décidé que pour survivre, en tant que famille unie, en tant que couple amoureux, en tant qu’individualité psychique, il fallait se séparer. Enfin, les séparer. Oui, je ne sais pas lequel de nous a eu l’idée idiote d’avoir un puis deux puis trois enfants, mais ensemble, ils ne sont pas supportables. Alors il faut séparer les groupes. Plus les adultes sont nombreux, plus les séparations sont diverses et possibles, et plus notre séparation s’éloigne. Pendant nos vacances donc, nous appliquons ce principe à fond. Papi, tu prends Grand! Mamie, tu t’occupes de Milieu! Mari et moi on se débrouille avec Dernier! Papi et Mamie, vous restez un peu avec Dernier, je prends Milieu et Mari fait les devoirs avec Grand. Papie et Mamie, vous emmenez Grand à la pâtisserie, je vais avec Dernier au square et Papa va taper le ballon avec Milieu.


Lorsque Mari et moi nous retrouvons, alors, il nous reste de l’amour, de l’énergie, de l’envie, d’être ensemble.  


Mais bon, ce matin, Papi et Mamie qui sont partis à la salle de sport, il faut revenir à notre famille nucléaire. On va bien y arriver à faire deux groupes de nos cinq personnes, hein? Ou bien à se supporter? Après des semaines à rester sur notre principe de séparation des corps, le retour à l’unicité est catastrophique: Dernier et Milieu se chamaillent pour une balle, Grand traîne des pieds et n’arrête pas de râler, Milieu fait grève du foot après nous avoir talonnés pour en faire, Dernier se lance par terre parce qu’on lui dit qu’on n’a pas le temps de faire de la balançoire, Grand finit par se lasser de râler et se met à enquiquiner ses frères.

Puisqu’il n’y a pas eu de séparation des enfants, celle de leurs parents reprend du poil de la bête: Mari m’exaspère à vouloir absolument faire respecter les règles de politesse pendant qu’il me lance des regards noirs parce que je fais semblant de ne pas entendre qu’ils s’appellent tête de fesses et imbécile. Il est trop strict, je suis trop souple, il n’a pas amené de pulls, je n’ai pas pensé à une deuxième paire de chaussures, il a eu l’idée stupide de les amener ici, j’ai mis de la mauvaise volonté à jouer au foot donc forcément, forcément, ça ne va pas.


À l’heure du dîner, fort heureusement, la cavalerie est arrivée et les enfants sont de nouveau chacun occupés à ce qu’il leur plaît avec un ratio idéal d’un enfant pour un adulte.

Ouf, Mari et moi nous re-donnons la main.


Batailles en vrac⭣

Batailles rangées⭣

Un peu de sérieux, voyons
 

Batailles choisies #630

Difficile de faire une leçon de morale à ses enfants quand on a envie de pouffer de rire. 🫠


 

À la table du dîner, Mari laisse tout loisir à sa frustration

Allez, le dos droit, levez les coudes, parlez pas la bouche pleine! J’en ai vraiment marre que vous vous teniez comme ça! Et puis j’en ai marre de vos conversations! 

Ça suffit, les histoires de pipi caca prout!


Le dîner, comme trop souvent, est chaotique. Les enfants ne tiennent pas en place, ils répondent à toutes nos questions intéressées par des blagues idiotes, des remarques de p’tits malins et des histoires de caca prout.


C’est vrai que c’est pénible. 

- Grand, tu as bien aimé, le yoga?

- Oui, on a fait la position du caca, celle du pipi et la montagne des prouts prouts.

- Mais Grand, on te pose sérieusement une question parce qu’on est intéressés! Bon, laisse tomber. Et toi, Milieu, tu as retrouvé des copains au foot?

- Oui, Maman, j’ai retrouvé mon ami Prout et j’ai joué dans l’équipe des Cacas.

- Oh la la, et toi, Dernier, tu as fait les activités de l’école, aujourd’hui?

 - Diego a fait caca. 

- Quoi?

- Diego était malade. Il a fait caca dans la salle. 

- Ah bon?

 - Oui. 

- Bon, mais le pauvre, s’il est malade… 


Le dîner reprend son cours, on tente de s’écarter des conversations de bas-étage et de bas-corporel. Mais bientôt, la vie avec les enfants se réengage dans le caniveau.

Cue le coup de gueule de Mari. 


J’en ai marre de vos conversations! 

Ça suffit, les histoires de pipi caca prout! Les Monsieur Prout, et le Roi du Caca, et tous les sobriquets idiots que vous vous donnez! Il faut être sérieux aussi! On ne peut pas s’appeler comme ça! Non, on ne peut pas se traiter de Caca! Et puis à table, marre de ne pas avoir un repas…


Dernier interrompt à ce moment-là la leçon de morale et se lance dans une explication abracadabrante: Diego était malade et a fait caca dans la salle. La maîtresse l’a amenée dans la salle d’à côté parce qu’il était puni. Oui! Il avait vu un camion, un camion de glace!


On avait tous le nez plongé dans notre assiette, attendant que la tempête paternelle passe. Maintenant, on doit continuer à baisser le nez… surtout qu’on ne peut pas lui rire au nez lorsqu’il est, ainsi, en colère, non! 

Sauf que Dernier et son verbiage d’enfant nous chatouillent les narines… ne pas rire, ne pas rire, ne pas rire...  


Mari tente de revenir au calme, en étouffant le sourire qu’il sent poindre lui aussi:

- Jamais vous ne devez vous appeler par ces surnoms ridicules! Jamais!

- Papa, Papa, il y avait un camion, et un enfant a fait caca dans le camion, mais après on est allés manger une glace, oui!  


Les rires nous montent au nez plus que la moutarde dans la vinaigrette, les sourires nous débordent des lèvres pincées. Mari tente le tout pour le tout:

- Non, mais imagine, ce genre d’histoires, on ne se moque jamais d’un camarade comme ça, qui était juste malade en classe! Ça peut te suivre! Toute la vie. Toute la vie, tu imagines si on se moque de Diego! Moi, j’ai eu un camarade, qui a eu un papier toilette coincé dans son pantalon et jusqu’au lycée… 


Dernier interrompt une dernière fois avec beaucoup d’enthousiasme la leçon de bonnes manières pour participer à la conversation, de sa voix haute et claire: dans les toilettes de l’école, il fait caca, mais quand j’y suis allé il n’y avait pas d’enfant, parce que tout le monde était parti. Moi aussi, mais j’avais pris mon camion avec moi, le camion de glace. Et Papa, quand est-ce que tu m’achètes un autre camion s’il te plaît? 


La tempête est passée. Avec nos rires reviennent le soleil, avec nos rires travaille Dernier, qui continue sa logorrhée, en nous montrant ses belles dents blanches, et sa tête de p’tit gars qui comprend tout et sait nous mettre dans sa poche comme il veut.


Batailles en vrac⭣

Batailles rangées⭣