Une belle-mère bien intentionnée

 

Batailles choisies #225

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“La route de l’Enfer est pavée de bonnes intentions”, une allégorie: passer le confinement avec ma belle-mère. Send help. 😈


 

Oh non, pas elle, me dis-je, en me demandant si ça se fait de partir en sens inverse quand ma belle-mère s’approche de moi à grands pas. 


L’air inquiet et le pas vif, elle s’approche de moi en me tendant fermement un chapeau.

-Il est au soleil, au SOLEIL!


Dernier, que je balade dehors, est passé une seconde au soleil entre deux vastes zones d’ombre, d’où l’intervention de ma belle-mère, sortie expressément de la cuisine. Elle arrive jusqu’à nous et enfonce avec autorité un chapeau de paille trop grand sur la petite tête de mon fils et s’en va, d’un air mi-satisfait, mi-réprobateur.


Je n’en peux plus. Quelques jours seulement et je me demande quel crime j’ai commis dans une vie antérieure pour être punie ainsi, talonnée par une Érinye à chapeau tendu.

Elle me poursuit, d’un bout à l’autre du terrain, du bac à sable à la balançoire, du salon à la chambre, de la cuisine à la salle de bains.

Elle me poursuit de ses conseils (tu devrais éviter les yaourts), de ses questions (il a tété à quelle heure?), de ses demandes (rentre, il fait froid), de ses inquiétudes (il a peut-être des problèmes de digestion?), de ses angoisses (tu devrais appeler le pédiatre, il pleure beaucoup), me poursuit avec un chapeau (il est au soleil!), avec des chaussures (les tiennes pourraient te faire glisser), avec une part de cake (un goûter, tu nourris deux personnes), avec des chaussettes (il doit avoir les pieds froids), avec une couverture (le fond de l’air est frais), avec un verre d’eau (quand on allaite, il faut boire beaucoup).


Ça part d’une bonne intention. Mais c’est difficile à vivre d’être talonnée physiquement et mentalement, de se sentir piétinée, envahie dans son espace personnel, de voir imposées ses inquiétudes à elle alors que je suis une mère expérimentée et qu’il n’y a aucune raison que je ne finisse pas par trouver ce qu’il a, ce petit.


Que faire? 

J’entends ses pas s’approcher et la fuis comme un gosse une institutrice acariâtre, je me mets tout au fond du terrain pour éviter que les pleurs du petit ne lui parviennent et éviter ses yeux inquisiteurs ou ses inquiétudes collantes; ou bien je décide soudainement d’aller dehors si j’entends ses pas sortir de la cuisine; ou bien entrer justement changer la couche de Dernier quand je suis dehors.  

Bon, à 36 ans et avec 3 enfants, est-ce adulte, comme attitude? Est-ce digne? Est-ce ridicule?

Non. Non. Et oui.

Ça me fatigue certains jours, m’épuise d’autres, me hérisse souvent.

Je devrais avoir une conversation ferme mais polie, une conversation d’adulte et expliquer que j’ai besoin que mon espace soit respecté, que mes compétences de mère soient reconnues.

Mais... encore des tensions? Des confrontations? J’ai déjà donné et ça ne donne pas grand chose. Belle-Maman est une femme autoritaire, qui a peu de chances de s’amadouer la soixantaine passée et qui ne connaît qu’une seule bonne manière de faire: la sienne.

En général, je choisis donc la route de la lâcheté et évite les problèmes en allant avec mon marmot qui pleure à côté du tas de bois, en imaginant et ruminant des disputes avec elle que j’emporte haut la main, des conversations difficiles qui finissent bien, des choses positives qui existent dans ma tête et n’en sortent pas.


Sauf que les avantages à être ici sont indéniables: elle fait l’école à la maison de Grand, s’occupe de Milieu pour que j’allaite tranquillement, fait l’intendance de la maison, lessives et repas; dehors les enfants s’occupent le plus souvent en autonomie, ils se disputent moins, ayant chacun espace et jeux propres; je peux moi-même profiter des beaux jours de l’automne, dormir dans le hamac, me créer une petite bulle, qui ne se perce que lors de désaccords d’ensoleillement ou de température pour être dehors avec un bébé. 


Est-ce un meilleur calcul de rentrer m’enfermer chez moi, seule pour gérer les enfants?

Clairement, non.


Alors, avec plaisir!

Venez ici, belle-maman, que je mange mon chapeau!

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