Journée de merde

 

Batailles choisis #265

Dites, les proches qui vous font comprendre que c’est de votre faute quand les enfants ont été insupportables et que vous avez passé une journée de merde, vous les gérez comment? Moi j’hésite entre la mitraillette et le molotov. 💥


 

Quelle journée de merde.

Les deux grands se sont disputés en continu aujourd’hui. Grand se moque de son petit frère, le tance, le traite de nul, de nain. Milieu a eu de ces crises à vous faire envisager la DASS comme solution de garde, crises déclenchées par un jouet qu’on ne lui a pas prêté, par un repas qui a un peu tardé, par un bout de bois qui s’est cassé.

Qui sont-ils, ces enfants?

Grand, que je trouve doux et naïf, révèle un autre aspect de sa personnalité, méchant, taquin, présomptueux, agressif.

Milieu va bientôt avoir trois ans. J’imaginais que son anniversaire prochain signerait la fin des terrible twos, et je me retrouve à redouter que ne commence en fait une période bien pire.

Ah, et j’ai un bébé aussi, un petit cœur, mais avec ses demandes, ses temps à lui, ses exigences.

Ah, et nous sommes confinés, trois adultes qui font de leur mieux pour cohabiter


Mais quelle journée de merde.

J’ai tenu bon, cherché des trésors de patience, mais voilà, il est presque 19 heures et je vrille, je hurle, je pète un câble.

Qui suis-je, moi, la maman épuisée, haineuse?

Parce que mes enfants pénibles, je gère tant bien que mal. Mais les remarques de mon mari et de ma belle-mère, alors que je cherche juste du soutien, m’insupportent.

Il faut le laisser pleurer ton fils, il ne faut pas tout lui passer.

En même temps, tu travailles trop sur ton écriture. Tu devrais travailler moins, prendre plus de temps pour toi. Si tu es fatiguée, tu devrais te reposer.

Bizarre. Je ne savais pas que c’était une option, ça, de faire la sieste. Moi qui suis debout et avec un à trois enfants en continu dans les jambes, de 7 heures du matin à 7 heures du soir, de mars 2020 à juin 2021, j’aurais donc le temps de faire la sieste?  


Mais quelle journée de merde. 

Les enfants difficiles sont donc non seulement de ma responsabilité, mais aussi de ma faute: parce que je ne me repose pas, parce que je cherche à aider à gérer les émotions plutôt qu’à les ignorer, me voilà portant la casquette de mère-qui-devrait-y-arriver-mieux, portant le bonnet d’âne, portant le chapeau.

Je me débats avec cette injustice autant qu’avec le doute qui s’insinue malgré tout. Les disputes entre mes aînés me laissent désemparée, vulnérable aux critiques formulées à demi-mot. 

C’est de ma faute, alors?

Et dans cette journée de merde, cette situation où je ne suis pas chez moi, où je crois faire cavalier seul face à deux colocataires qui ont beaucoup d’avis sur la question mais bien peu de temps à consacrer à la question des enfants, je n’arrive pas à sortir de l’impression d’être trois à élever mes gosses: ma belle-mère, moi dont l’avis n’est qu’optionnel et mon mari qui est en télétravail - d’être donc plutôt deux, et même plutôt elle toute seule. 

Qu’ils aillent tous se faire mettre: Belle-Maman, Monsieur, Grand, Milieu, Dernier… non, Dernier est mignon, il me fait des sourires splendides.

Je tombe, en voulant vider ma tête de toute cette colère, sur un article du New York Times où l’on conseille de ne pas jouer avec ses enfants… pour favoriser leur autonomie.

Allez tous vous faire mettre et fuck you aussi.

Ma furie pantèle.

Je suis seule dans la chambre, les bains n’étant jamais mon problème.

Je reprends mon souffle.

Je n’ai, dans ce troisième confinement, aucune autre configuration possible. 

Heureusement qu’on est là, où les enfants peuvent s’occuper à l’infini dans le grand terrain; où ma belle-mère me prête main forte, même si je la préfèrerais en velours qu’en fer; où mon mari travaille avec un brin de flexibilité. 

C’est la meilleure solution.

C’est des remarques qu’il faut que j’oublie. Je fais de mon mieux, eux aussi.

C’était juste une journée de merde.


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