Ça s’est bien passé

 

Batailles choisies #278

Une sortie à un adulte et trois enfants, est-ce que ça peut “bien se passer”? Ben, tout dépend de ce qu’on entend par “bien”. 👍


 

Retour d’une sortie en montagne de deux heures et demi, les trois garçons et moi.

-Alors, ça a été?

-Oui, ça va, ça s’est bien passé.

J’aime pouvoir donner aux autres adultes de la maison un vrai temps tranquille en sortant seule avec les enfants. Quand on rentre, je réponds en général que oui, oui, ça s’est bien passé. Imaginent-ils alors que les enfants m’ont couverte de bisous, qu’ils ont joué aux devinettes, partagé leur goûter en riant joyeusement, crapahuté avec enthousiasme en chantant un kilomètre à pied, ça n’use pas, ça n’use pas?


En réalité, “ça s’est bien passé” se traduit par: ils sont tous encore vivants et je n’en ai abandonné aucun sur le bord de l’autoroute.

(Tonnerre d’applaudissements) 


Je n’ai pas trainé par la peau des fesses Grand qui lambinait, on est presque au sommet, allez.

Milieu n’a pas glissé dans les pentes pierreuses. Je ne l’y ai d’ailleurs même pas poussé.

Je n’ai crié sur personne et ai, à la place, expliqué avec une pédagogie chancelante comme nos pas parfois, qu’il fallait arriver en haut pour qu’on puisse déballer notre pique-nique.


Nous sommes dans un de nos lieux préférés de balade, des carrières de pierre qui, à une époque, ont fourni les routes de Santiago en pavés. C’est la randonnée parfaite pour les enfants, une vue variée, des randonneurs rares, un accès facile et des buts que les enfants peuvent facilement garder en tête: en haut, on voit l’autoroute et les camions, tu te rappelles, Milieu? En haut, il y a souvent des chevaux et leurs crottins, hein, Grand, encore un petit effort!  


Grand et Milieu n’ont pas crisé sur le partage des en-cas, négociés pièce à pièce - toi tu prends deux pruneaux et moi trois amandes.

Grand n’a pas atteint son petit frère alors qu’il le visait de son mieux avec les crottins. 

Je n’ai pas laissé exploser mon exaspération quand Milieu a fait des expériences de transvasement avec les gourdes et qu’il a renversé toute l’eau.

Dernier n’a pas pleuré de faire la tétée au milieu de la montagne.


Vous avez vu, les garçons, comme c’est beau! Les sommets de la Cordillère enneigée en fond, les rangées de montagnes qui font comme des paravents successifs jusqu’à nous et nous entourent; le ciel bleu, le vert discret d’une végétation sèche, les ocres, les gris, les rosés des pierres; les coups de marteau et de burin des tailleurs de pierre au travail, le ronronnement du trafic un peu plus bas, Dernier qui gazouille de joie dans le porte-bébé, c’est splendide, hein?

Vous voyez les enfants, marcher, c’est un effort, ça peut être fatigant, mais quand on arrive en haut, c’est tellement merveilleux! Ça vaut la peine! 

Ils m’ont répondu: “oui, ma petite Maman”.

On redescend?


Grand a gambadé, revigoré par le pique-nique. 

Milieu m’a posé mille questions sur les voitures, les pierres, les cactus, les avions. 

Dernier a gazouillé plus fort dans le porte-bébé.


Nous sommes de retour à la maison après des mois chez ma belle-mère. Les enfants ont retrouvé un semblant de normalité, écoles, camarades, et moi aussi, celui de vivre chez moi, dans mes repères, mes habitudes, mes organisations millimétriques pour faire des balades en montagne tôt le matin. 


-Alors, ça a été?

-Oui, ça va, ça s’est bien passé.


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