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Batailles choisies #364

Je comprends soudain comment résoudre cette crise de mon enfant de 3 ans, par une astuce toute simple - fonctionnement pour d’autres enfants non-garanti, hein, mais passons le mot, ça sauve des soirées. 🚙


 

Milieu est en pleine crise. Il hurle, pleure à gros sanglots, n’arrive, noyé sous ses larmes, qu’à dire “non, non, non, veux pas, veux pas”.

Tout ce qu’on lui propose, son père, son frère ou moi, échoue: du plus acceptable (tu veux un câlin?) au moins acceptable (si tu rentres à la maison, je te donne un chocolat).

Milieu est atteint d’une crise aiguë. 

Il est inatteignable, comme souvent.

Il fait sa teigne, comme souvent.


Contexte: il est 19 heures et on essaie de le faire venir à table. Il est fatigué, puisqu’il est 19 heures, il a faim, puisqu’il est 19 heures, il est impatient puisqu’on lui dit depuis 15 heures qu’on part bientôt chez sa grand-mère et qu’il est 19 heures et qu’on n’est toujours pas partis.


Sauf que là, c’est sûr, on dîne rapidement et on part, mais pour partir, Milieu, il faut dîner rapidement, hein, même un tout petit peu.

- Non, non, non, moi ici dans la voiture, moi ici.

- Allez, la voiture est déjà chargée, on mange rapidement, même un tout petit peu.

- Moi veux pas manger, pas manger, pas manger.

 

Puisqu’il est 19 heures et qu’il faut qu’on se dépêche de manger pour partir, la patience et l´éducation bienveillante déclarent forfait: on l’extirpe de la voiture sans ménagement et on l’assoit de force à table en lui criant dessus qu’il faut manger.

Oui, c’est une réaction idiote qui n’apporte rien.

Mais savoir que c’est une réaction idiote qui n’apporte rien n’empêche pas d’avoir ladite réaction idiote.

Car devinez quoi?

Ça ne marche pas du tout.

C’est même pire: Milieu hurle de plus belle, il se débat, roule sur le sol, avale sa morve et ses larmes en criant à pleins poumons veux pas manger, veux pas manger!


Après avoir regardé, yeux vides, bouche ouverte d’impuissance, mon fils déployer dans toute sa splendeur son Hulk intérieur, après avoir repassé dans ma tête diverses techniques de parentalité positive et constaté pour moi-même que je n’arriverai pas à les mettre en œuvre, puisqu’il est 19 heures, que je n’ai pas le temps, que je n’ai pas la patience, j’ai une sorte d’épiphanie. 


Je me dis: et si on recommençait? Et si on reprenait là où ça a commencé?

Ce qui a déclenché sa crise, c’est d’être arraché à la voiture.

- Milieu, tu viens, on va dîner dans la voiture?

D’un coup, Milieu sèche ses larmes et acquiesce. Il prend l’assiette et la fourchette qu’il avait si bruyamment dédaignées et se dirige vers le coffre ouvert de la 7-places garée dans la rue devant la maison. Sans une plainte, assis entre les sièges arrière, Milieu, calme, satisfait, mange son dîner. 

 

Milieu est sorti du fond de son trou, du fin fond de son puits de rage et de frustration où aucune corde ne parvenait à l’atteindre, pendant qu’assise dans le coffre de la voiture, mon regard se perdant au loin vers les montagnes se teintant de rosé, évitant de regarder de près la vie que j’ai choisie, celle où je mange dans ma voiture des pâtes froides avec du poulet dur au milieu de jouets dont les garçons ont rempli le coffre parce qu’ils veulent les amener chez leur grand-mère, de mon côté, je crois pouvoir dire que j’ai atteint le sommet de l’abnégation maternelle.


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