Je vois pas

 

Batailles choisies #365

Être mère, c’est aussi abandonner tout amour-propre en sortant habillée n’importe comment lors d’équipées manquant nettement de préparation ou de dignité. 🧢


 

Le ridicule ne tue pas.

Fort heureusement.

Encore un jour où je me dis que les voisins du quartier doivent rire de me voir passer dans les accoutrements et les situations de transport les plus ridicules.

Aujourd’hui, j’ai des baskets, un short léger rose, un haut d’allaitement qui était blanc et bleu, qui est maintenant grisouille et bleuâtre, j’ai mon casque rose fluo sur la tête, je suis sur la trottinette avec Dernier en porte-bébé dorsal, Milieu qui fait du vélo à petites roues à ma gauche et Grand qui fait de la trottinette à ma droite.

Ça, c’est aujourd’hui. 


D’habitude, je fais aussi bien, aussi moche, aussi débraillé, aussi amateur dans la sortie sportive.

On m’aura vu passer suant à grosses gouttes sous mon casque rose fluo, le t-shirt trempé à pousser mon vélo, Dernier sur le siège du porte-bagage, Milieu et Grand dans la carriole - qui aurait cru que je n’arriverais pas à tirer en montée 50 kilos d’enfants au total, vraiment, c’est curieux; ou passer en trottinette avec une casquette blanche de tenniswoman, Dernier en porte-bébé ventral, casque jaune fluo sur la tête du bébé, mon pantalon préféré bleu marine tout élimé; ou avec une jupe longue que j’aime beaucoup, mais tellement fatiguée d’avoir été autant aimée qu’elle glisse de mes fesses alors que je tente maladroitement de la retenir et de ne pas faire tomber Dernier en même temps; ou poussant mon vélo avec Milieu sur le siège du porte-bagage parce qu’il était fatigué de marcher, portant Dernier dans les bras, habillée avec un jogging et un t-shirt à manches longues parce que ce matin il faisait frais alors que maintenant il fait 32º. 

On m’aura vu essayer de faire bonne figure avec une robe d’aspect correct, mais les jambes pleines de bleus parce que je tombe sans arrêt, de vélo, trottinette, du haut de mes deux pieds gauches apparemment.


Parfois je souris de me voir ainsi, de croiser les regards polis mais amusés des gens du quartier qui doivent se dire que la dame, elle a pas peur, elle a pas honte, hein, c’est bien, hein, il faut de la personnalité pour sortir ainsi. 

Si, si, j’ai un peu honte - personnalité ou pas.

Je me trouve parfaitement ridicule, loin des élégantes qui ont de belles tenues de sport et qui ont laissé leurs enfants à leur employée de maison, deux raisons pour lesquelles elles ne portent pas un t-shirt d’allaitement troué en tentant sans succès de manoeuvrer la poussette de l’un et la trottinette de l’autre.


Je me dis quotidiennement que je ne devrais pas sortir comme ça. C’est simplement qu’au bout d’un moment, je m’exclame pour moi-même et puis, zut, il faut bien que j’aille du point A au point B, avec enfant 1 et/ou 2 et/ou 3, alors, je laisse dans mon sillage les tenues mignonnettes, les coupes de cheveux travaillées, j’ai même jeté sous les roues des vélos, trottinettes et poussettes, l’espoir d’être habillée avec des vêtements sans taches.

Mais zut, bienvenue dans ma vie, je suis mal fringuée et je tire, traîne, pousse, porte, des enfants, et puis je vois pas où est le problème.

- Bon, les garçons, allez on sort!

Derrière les rideaux, des yeux curieux regardent l’équipée.

- Oh la la, un enfant dans le dos en écharpe grise avec un casque jaune, un autre sur la trottinette, le troisième à pied! Mais qu’est-ce qu’elle nous a encore inventé…

- Mais qui?

- Oh la la, et puis un casque rose, des chaussures bleues, un pull jaune noué autour de la taille elle va se prendre les pieds dedans, un short en jean avec cette chaleur et un débardeur orange! 

- Mais, dis-moi, qui?

- Ben la dame qui voit pas où est le problème.


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Heloise Simonsortie, ridicule