Monsieur de la Syntaxe fait du bricolage

 

Batailles choisies #392

Milieu a fait de grands progrès de langage. Vocabulaire, écoute, mais surtout le super pouvoir de la pensée: la syntaxe. 🚁


 

Une conversation avec Milieu:

Maman, je veux aller à la salle des jeux où la dernière fois avec Papa on a vu un camion de pompiers qui fait wouiouh wouiouh. Parce que les camions de pompiers peuvent pas voler, non! Voler, c’est les avions et aussi hélicoptères. Mais un hélicoptère a tombé et les enfants ne peuvent pas voler en hélicoptère parce que trop haut et quand ils tombent, ils mouruent.


Milieu a fait un bond spectaculaire dans l’acquisition du langage, passant plusieurs paliers en quelques mois, sautant d’un langage de bébé au langage de l’enfant qu’il est, avec ses goûts et ses passions (essentiellement: les engins de chantier, le bricolage et le jardinage). 

Premier progrès, il a une plus grande finesse dans l’écoute allant de pair avec une prononciation plus assurée, ce qui lui permet de répéter un mot nouveau très proche de l’original, et non pas de manière approximative. Si je lui parle de l’Australie par exemple, il va répéter “Australie” et non “Autralie”. On a laissé derrière nous les hipotames, les cateurs-scopiques, les ripteusses: on parle désormais d’hippopotames, de sécateur téléscopique (ai-je dit que Milieu aime le jardinage) et de riveteuse (ai-je dit que Milieu aime le bricolage).

Ce progrès s’associe à l’acquisition rapide de vocabulaire, qu’on prononce donc correctement, en français comme en espagnol: on accueille avec plaisir “truelle”, “tuteur”, “bobcat” et “embranchement de PVC double d’équerre 45º” (ai-je dit que Milieu aime… vous avez compris).

Deuxième progrès dont j’ai pu parler plus en longueur dans ce billet, le switch. Le switch, pour les enfants bilingues, c’est la capacité à passer d’une langue à l’autre sans difficulté et sans mélange (peu d’espagnol quand il parle français et inversement) et de choisir la langue en fonction de son interlocuteur. Il peut donc, après m’avoir expliqué son histoire d’hélicoptère, se tourner vers Papa et dire avec tout le sérieux du monde:


Papá, quiero ir contigo a la sala de juegos donde un día vimos un camión de bomberos que hace guihu guihu. Porque los camiones de bomberos no pueden volar, no! Sólo los aviones y también los helicópteros. Pero un helicóptero se cayó y los niños no pueden andar en helicóptero porque va muy alto y si se caen se murieron.


Dernier progrès, et pas des moindres, donc: il a acquis une syntaxe solide, fabricant sans difficulté des phrases complexes qui lui permettent de donner tout plein de nuances à sa pensée, ou de donner les circonstances exactes, causes, conséquences et instructions de sécurité à mettre en place d’urgence, des accidents d’hélicoptères. 


Suite de la conversation:

- Ah! D’accord, et toi tu aimerais bien prendre ou conduire quel moyen de transport? C’est quoi, ton rêve, mon Milieu?

- Moi, je rêve de conduire un camion-citerne qui jette de l’eau comme ça: pschhhhhh!  


Mais quelle élégance dans cette formulation, mon chou! Ce “de” dans “rêver de” qui lie le verbe à son complément, il est tout petit, mais il se porte haut comme un grand trophée.


Chapeau, ou devrais-je dire “casque”, Monsieur de la Syntaxe. Va, cours et nous parle, mais surtout n’oublie ni ta boîte à outils ni ta boîte linguistique.


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