Batailles choisies #417
Plongée dans le cœur de l’injonction à la virilité des garçons: mon fils choisit des activités périscolaires. 🧘
S’il avait été une fille, on aurait dit: “Tu veux faire du yoga? Oui, bien sûr!”
S’il avait été une fille, on encouragerait son goût pour les bouquets de fleurs.
S’il avait été une fille, on ne lui demanderait pas si souvent s’il a des amis garçons.
S’il avait été une fille, on ne trouverait pas inquiétant qu’il soit surtout ami avec des filles de son âge.
S’il avait été une fille, on encouragerait son goût pour la peinture, le dessin, les livres, toutes les activités d’intérieur qu’il affectionne.
S’il avait été une fille, on n’insisterait pas lourdement sur les jeux sportifs, je suis sûre que tu aimerais, regarde, du foot ou du karaté?
Seulement, mon aîné est un garçon.
Et mon aîné choisit une activité périscolaire:
- Grand, est-ce qu’il y a une activité qui t’intéresse? Écoute, il y a: jeux sportifs, karaté, musique, football, yoga…
- Yoga! s’exclame-t-il.
Alors, on s’inquiète.
- Tu comprends, il aime déjà la peinture et les fleurs, ce serait vraiment bien qu’il fasse des activités plus… de groupes, pas juste des activités solitaires.
- Yoga, s’exclame-t-il encore!
- Ben, c’est avec d’autres enfants, je dis. C’est bien, non?
D’un côté, j’ai envie de le laisser choisir ce qu’il aime. Je ne vois pas ce que ça apporte de l’obliger à faire du karaté. D’un autre, je comprends et partage ces inquiétudes: Grand est souvent observateur d’un jeu ou organisateur, mais plus rarement participant enthousiaste; il aura passé une année scolaire entière de pandémie, confiné chez sa grand-mère, avec pour seule amie la petite voisine; il nous dit parfois qu’à l’école il regarde les filles jouer entre elles et ne jouent pas avec les garçons parce qu’ils ne font que du foot.
Alors, yoga, point d’exclamation, c’est un caillou supplémentaire dans la chaussure parentale.
Je suis malgré tout persuadée que ces inquiétudes parlent de notre vision de la virilité, de notre apprentissage de la virilité pour les petits garçons. Que la peinture, les fleurs, le yoga, c’est bien… mais qu’il lui manque quelque chose. Qu’il ne sera pas un garçon complet s’il n’est pas comme les autres garçons. Qu’il leur sera toujours un peu inférieur. Qu’être ami avec des filles, c’est bien, mais qu’il faut absolument avoir des amis garçons, qu’il doit être capable d’entrer dans un boy’s club, n’importe quel boy’s club. Et cette injonction s’adresse aux garçons. Dirait-on à une fille qui veut faire de la peinture et du yoga : mais tu ne veux pas t’inscrire aussi au rugby?
J’essaie de rationaliser, d'empêcher mes inquiétudes et mes propres stéréotypes polluer ce qui m'importe : que mon fils soit un garçon bon et équilibré. J’ai envie qu’il ait des amis et des amies, une vie sociale pleine de joie, qu’il sache dire ce qu’il aime et ce qu’il n’aime pas, qu’il sache se dépasser, se pousser parfois dans ce qu’il n’aime pas si ça le fait grandir. Je ne suis pas inquiète qu’il lui manque quelque chose, je vois plutôt ce qu’il apprend, ce qu’il devient. Mais je m’inquiète qu’il vive dans ce monde si le monde ne le voit pas comme je le vois, moi: un petit garçon plein de vie, de joie, de curiosité, avec des goûts déjà définis, mon fils aîné chéri dont je suis sûre qu’il a beaucoup à donner au monde, sans les gros biscotos et avec un beau bouquet de fleurs.
Namaste.