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Deux pédiatres, deux mesures
 

Batailles choisies #599

Sur 10 pédiatres consultés pour les suivis de mes enfants, 2 n’avaient aucun intérêt, 5 étaient quelque part entre bof et ça va, 1 était vraiment bien, 1 était et reste parfaite et 1 était un gros con. Les pédiatres, soutiens des parents - ou pas. 🥼


 

Des pédiatres, j’en ai vu, dans ma vie de mère de trois jeunes enfants: les anonymes et froids, ceux qui ne parlent qu’en “il faut” et en “surtout ne faites pas”, un vieux monsieur lui-même père de 7 enfants, qui n’était que relativisation et pragmatisme, un qui expliquait les choses très très lentement, une qui parait à mes moindres inquiétudes en m’en donnant de nouvelles (- Vous vous posez des questions sur sa maturité émotionnelle? Tenez, le contact d’une pédopsychiatre, pour consulter). Une bonne dizaine donc, en 8 ans de maternité, avant de trouver, par un heureux hasard, un créneau avec celle que je vois maintenant, et que j’essaie de voir exclusivement. 

Doctora B. est mère de trois enfants. Elle est douce avec ses petits patients, sait obtenir d’eux la coopération sans les brusquer. Elle m’avait impressionnée à ma toute première consultation durant laquelle, pour rassurer un Milieu encore petit, très chouineur et se cachant dans mes jupes, elle lui avait fait tous les examens transformés en jeux - elle avait pu tous les conduire sans une larme de mon fils. Elle ne me donne jamais l’impression de me juger, elle m’écoute et me rassure et, contrairement à beaucoup d’autres professionnels (surtout au masculin) que j’ai vus, elle sait qu’être parent est difficile, et ses premières questions par rapport à un enfant malade vont pour moi (Et vous allez pouvoir vous organiser pour le garder?). Ça ne change rien au diagnostic d’otite ou autre, mais au moins ça me donne l’impression que j’ai le droit d’être en même temps une mère aimante qui veut que son enfant aille mieux, et une femme qui travaille et stresse terriblement à cause de ses absences pour enfants malades.   


Si j’aime autant ma pédiatre actuelle, c’est aussi parce que je l’oppose à un pédiatre que je n’ai vu qu’une fois et que j’ai tellement détesté qu’il est au Panthéon des mauvais pédiatres, que plus jamais je n’irai le voir, qu’il me revient régulièrement en mémoire avec des frissons et des grandes envies de baffes. Dernier devait en être à sa huitième maladie de crèche en trois mois. Pas de grand-mère pour suppléer à la crèche, c’est donc encore une fois à un numéro d’assiettes chinoises qu’il contraint son père et moi (et nous ne sommes pas jongleurs!). L’homme, un grand monsieur, approchant de la soixantaine, cheveux longs et blancs, un air de grand argenté, m’annonce qu’avant de savoir ce qui m’amène précisément, il va conduire un questionnaire de routine d’évaluation des risques de morts prévisibles. D’accord, très bien. - Est-ce que votre enfant dort sur le dos ou sur le ventre? Est-ce qu’il dort dans son propre lit? Est-ce qu’il a un siège auto? Est-ce que le siège auto est équipé d’un Isofix? Est-ce que le siège regarde vers l’avant ou vers l’arrière?

Quand je réponds “vers la route”, c’est le début de la fin.

Le siège auto doit regarder vers l’arrière, dit-il avec un regard froid et jugeant.

Franchement, je n’ai aucune envie, moi qui viens pour une fièvre, de me retrouver coincée dans cette conversation

- Oui, il a presque un an, il pleure beaucoup s’il ne voit pas la route, avec ses deux grands frères, c’est compliqué, c’est trop, dis-je d’une voix qui s’éteint de maman éreintée.

- Et vous croyez qu’en Suède, ils font comment? Tout le monde fait ça, là-bas.

- C’est juste que moi je n’y arrive pas.

- Et puis bon, la vie de votre enfant est plus importante que votre confort personnel, quand même. 

J’aimerais avoir plus de personnalité, plus de colère prête à exploser, plus de panache, pour juste me lever et dire que bon, pas besoin de ce ton paternaliste, c’est un risque calculé, oui, c’est idéal, non, c’est lui qui s’est occupé de ses gosses et qui sait à quel point c’est dur? Non. Et donc sortir. Ce jour-là, j’ai juste encaissé, baissé la tête en pensant mais quel connard, et ai essayé d’expliquer les symptômes en passant au travers de ses critiques et jugements, de ses ordonnances de “il ne doit en aucun cas retourner à la crèche avant 10 jours et le travail, ce n’est pas la priorité”. J’en suis sortie avec deux certitudes: 1, demain, je trouve une place avec Doctora B., et 2, je ne reviendrai jamais le voir, ce con.  


Alors que je repense à lui que j’ai vu l’année dernière pour une unique et traumatisante fois, je regarde, en face de moi, la Doctora B. encourager mes enfants à dessiner, leur tenir une bienveillante conversation avant de ne me dire que des choses positives sur mon travail de maman, me rassurant sur mes inquiétudes, ridicules mais que j’ai besoin d’exprimer, faisant d’un petit cabinet neutre, un lieu plein de chaleur et de douceur.


Si seulement tous les médecins pouvaient être des médecins profondément humains qui soignent des personnes qui aimeraient être des parents parfaits, qui ne sont que des personnes imparfaites, mais profondément humaines.


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Blueish
 

Batailles choisies #597

Parfois le meilleur dessin animé, le plus intelligent, le plus choupi, le plus joyeux, a l’art de vous faire sentir la pire mère du monde. 🐾


 

J'aime beaucoup Bluey, ce dessin animé australien d’une famille de quatre chiens, Bluey, l’héroïne éponyme, chienne bleue, sa petite sœur Bingo, Papa et Maman. Les deux enfants doivent avoir 6 et 4 ans, quelque chose comme ça. Ce sont des chiens humains, qui cuisinent, vivent dans une maison dont le jardin a un trampoline et c’est mignon comme tout. C’est en général sans culpabilité que je leur mets si mes enfants le demandent, loin devant les Ninjagos et autres Sonic où j’ai l’impression de leur servir des bonbons pleins de produits chimiques en version télévisée


Pourquoi j’aime autant Bluey que parfois, moi aussi, je regarde avec les enfants? Mais parce que toutes les aventures, dans de très courts épisodes, marchent au carburant de l’imagination des enfants! Pas de dragons, ni de ninjas, ni de superpouvoirs, mais des fillettes qui jouent à faire l’hélicoptère avec des feuilles de palmier, mais un père qui fait le robot, la machine, l’aspirateur, le tout en mode clown, pour le plus grand bonheur de ses enfants, mais une vie quotidienne qui fourmille des mondes inventés et des plaisirs simples de bambins pleins de ressources.

Tiens, par exemple, là, ce que sont en train de regarder mes garçons: “l’île aux tapis”, un épisode où Bluey et Bingo vivent sur une île (dans leur jardin) où les adultes n’ont pas le droit d’aller, où les fruits sont faits avec des blocs de jouets, où on doit apprendre à papa, échoué là et recueilli à contre-cœur, à survivre dans la nature et à apprivoiser le Robinson qui est en lui. C’est doux, c’est drôle, c’est plein de ce monde renversé où les enfants apprennent aux adultes, où les grands sont maladroits et ont besoin de leurs enfants pour s’en sortir.

C’est vraiment mignon, cette histoire, me dis-je.

Le seul problème de Bluey, c’est que les parents sont les parents parfaits que j’aimerais être. Ceux qui ont le sens de l’humour en toute situation, ceux qui guident sans imposer, ceux qui trouvent la bonne distance pour traiter les problèmes d’enfants à hauteur d’enfant, tout en leur donnant l’importance qu’ils méritent… L’autre problème, c’est que mes enfants ne risquent pas de jouer avec leur imagination, puisqu’ils regardent la télé…


Moi… ben… 

Moi, au lieu de jouer avec mes enfants, je les plante devant un écran, parce que je suis épuisée et parce que je veux travailler sur mon écriture, que je n’ai pas l’énergie de faire l’hélicoptère, le xylophone, la naufragée. 

Mes enfants regardent des histoires d’imagination, en n’utilisant pas la leur, ils regardent des gosses grandir en restant assis, ils regardent des parents qui ne sont jamais fatigués d’être parents. Il m’arrive, souvent, d’être le loup, la cliente du salon de coiffure, la méchante voleuse, mais ce n’est jamais si beau, si doux, si plein d’empathie qu’à la télé… 


Je ne m’en sors pas si mal, non… Allez, je ne suis pas une si mauvaise mère. Mais j’aimerais avoir cette force d’élever des enfants pleins d’imagination… sauf que ce serait à mes propres dépens… alors je dois me choisir un peu, et leur proposer la vie idéale sur écran.

Allez, je n’ai plus beaucoup de temps, il va bientôt falloir éteindre. Il vaut mieux balayer mes doutes sous l’île aux tapis.


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