Une hérésie
 

Batailles choisies #450

Je vis tellement dans mes rituels et mes obligations familiales que j'oublie qu’il suffit parfois d’un peu d’air frais pour résoudre des problèmes traînants. 👣


 

La nécessité a un air d’hérésie. C’est la traduction d’un proverbe que dit souvent mon mari, un proverbe chilien, je suppose: “la necesidad tiene cara de hereje”. En français, je crois qu’on dirait quelque chose de moins catholique, quelque chose de l’ordre de “quand il faut, il faut”. Et la semaine dernière, nous avons été, je le confesse, ô, pardonnez nos péchés, un pater noster, trois ave maria, hérétiques. 

Dernier avait une bronchite. Nous avions la nécessité absolue de trouver une solution de garde, puisque nous travaillons tous les deux et que perdre une semaine entière de mon salaire pour avoir l’honneur de m’occuper d’un gosse qui tousse ne me faisait guère rêver. Mon mari a fait ses valises et est parti chez sa mère. Il avait déjà fait des allers-retours à la journée avec Dernier, mais n’était jamais resté pour une nuit, encore moins plusieurs.

Gloire à lui! 

(Et gloire à sa mère, bien sûr, qui abat le plus gros boulot de s’occuper de Dernier).

Gloire à lui, mon hérétique!

Quand il faut, il faut, hein.

Dernier a seize mois tout juste et cela fait donc seize mois tout juste que j’ai été avec lui tous les jours, liée à lui par ses besoins de téter, ses besoins de câlins pour s’endormir, un lien-prison qui, d’un coup d’un seul s’est défait. Il me semblait impossible de passer plusieurs jours sans lui: comment allait-il dormir, passer la nuit, téter? Comment respecter les rituels, les horaires, les obligations? Dernier n’était pas avec moi et n’a pas eu besoin de téter. Il n’a pas eu besoin de moi pour dormir. Il a fait voler en éclat mes horaires et besoins respectés religieusement. Mon mari, en hérétique, s’est débrouillé. Quatre jours sans problèmes. De mon côté, j’ai tiré mon lait, sans problèmes non plus, alors que je m’en faisais une montagne. 

C’est une révolution pour notre vie de famille. C’est le début de la fin de ma charge quasi exclusive de Dernier, c’est le début du début d’une nouvelle phase de notre vie de famille, une phase que j’appelle de mes vœux depuis que je sais que je ne veux plus d’autres enfants: une phase où Dernier peut partir en week-end, ou je peux partir en week-end, où mon mari et moi pouvons nous répartir comme bon nous semble la charge des trois garçons: moi les deux grands, lui le petit; lui Dernier et Milieu, moi Grand; lui Grand et Dernier, moi, Milieu; lui Grand, Milieu et Dernier… et moi? 

Seule comme une apostate.

Toutes les hérésies sont permises.


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Une vie de famille
 

Batailles choisies #449

J’ai passé quatre jours sans mon bébé. Il ne m’a pas manqué du tout. Qu’est-ce que ça veut dire? 😙


 

Mon mari a passé quatre jours chez sa mère avec Dernier, malade et donc interdit de crèche. J’entends parfois autour de moi des mères dire à quel point leur enfant leur a manqué et se demander si c’était une bonne idée. Moi, j’avoue me demander plutôt pourquoi je n’ai pas fait ça avant. J’ai travaillé ces quatre journées et me suis occupée des aînés matin et soir mais, pour moi, ça aura été les meilleures vacances du monde. Il est vrai que ma check-list n’est pas très exigeante:

Je dors la nuit.

Je mange assise.

Je prends ma douche seule.

Meilleures vacances, vous dis-je. 

Quatre jours donc, durant lesquels je dois dire… avouer… confesser même… que je n’ai pas beaucoup pensé à Dernier. Je me suis bien doutée qu’il n’était pas malheureux, sa checklist étant en effet plutôt pas mal:

Il est avec son père et sa grand-mère. 

Il passe ses journées dehors à jouer avec deux chiennes affectueuses.

Il mange les petits plats pleins d’huile qui sont la spécialité de la maison.

Meilleures vacances, vous dis-je.

Fin des vacances quand je reçois un message de mon mari disant “On part”, message annonçant son arrivée pour dans une heure environ. Ben, je dois dire, avouer, confesser que j’aurais bien prolongé les congés.  

La voiture arrive bientôt. Grand, Milieu et moi réservons aux nouveaux arrivants le meilleur des accueils. Dernier est fou de joie, de retrouver ses frères, d’aller caresser le chien du voisin, d’être chez lui, de retrouver sa maman… Sa maman, quant à elle, à revoir ces joues dodues et rouges, ne ressent pas de joie folle, pas de cœur battant la chamade ni de papillons dans le ventre. Je soupire et souris faiblement, ramassant mon courage, un peu comme si je reprenais le boulot après les congés. De bon cœur tout de même, avec un sens de la responsabilité ou de l’inéluctable,puisque c’est bien entendu mon tour, je joue avec Dernier. Faut-il que je me sente coupable… je retrouve mon petit bébé, et c’est tout ce que j’éprouve?

Après quelques jeux dans le jardin, on passe à la cuisine. Il réclame de monter dans mes bras. Alors qu’il est tout contre moi, très expressif dans son geste et sa figure (il me montre le placard à biscuits, quoi de plus normal), il se passe quelque chose… je ressens une envie incompressible d’embrasser ses grosses joues. Je dépose des baisers sur ses joues, son nez, son front, je fais courir ensuite sur son ventre des chatouilles qui lui font sortir un rire merveilleux. Je me dis qu’il n’est pas si mal, ce boulot de mère.


C’est peut-être ça, aussi, la vie de parent: on pourrait vivre sans enfants, mais puisqu’ils sont là, autant les aimer follement.


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