Qu’est-ce qu’on mange?

 

Batailles choisies #141

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Pas le temps de lire tout de suite?

En deux mots:

J’ai préparé depuis le confinement 453 repas. Au menu ce soir, patriarcat intériorisé, flemme et épinards.


 

J’ai lu quelque part une étude qui montre qu’une femme prépare un meilleur repas (entendre: elle y passe plus de temps, prévoit entrée, plat, dessert, choisit de meilleurs ingrédients) quand son conjoint est à table, que quand il ne l’est pas.


-Enchanté! Moi, c’est le patriarcat intériorisé. On se marie, ça te dit?

-Euh, bof, pas trop.

-Ben, en fait, tu n’as pas le choix, je vais m’incruster. Qu’est-ce qu’on mange, alors?


Effectivement, ce week-end où j’étais seule, j’ai préparé mes repas en 10 minutes chrono, mangé trois fois la même chose, mis tout dans une seule assiette - quelle libération!


Pourtant, je n’ai pas le genre de mari qui se plaint qu’il n’y a pas de dessert, ou que ce que j’ai cuisiné n’est pas bon. Ce genre de mari, en 15 ans de vie commune, il a essayé de s’inviter une ou deux fois à table, et s’est fait bien recevoir: “Le meilleur repas est celui qu’on n’a pas préparé.” Ou encore: “C’est pas bon? Parce que moi je trouve que ton osso bucco imaginaire, salade de fèves inexistante et oranges glacées virtuelles, c’est pas bon non plus”.

On est toutes un peu mariées avec Monsieur Années 50


Jamais il ne me dirait : “je mange ici aujourd’hui, donc femme! aux fourneaux! et ça a intérêt à être bon”.

On n’a pas besoin d’être marié avec M. Années 50. 

Ce monsieur-là vit en chacune de nous: c’est l’intériorisation du patriarcat et de l’assignation domestique faites aux femmes. Et c’est fou comme ça colle, comme il est difficile de s’en défaire.

J’ai remarqué par exemple que je m’excuse souvent du repas: “c’est pas top le repas, pardon, j’ai pas eu le temps”, ou “je voulais faire une sauce, mais je crois que je l’ai ratée”. Ou que je ris aux blagues de mon mari qui me taquine sur ma cuisine trop fade, trop verte, trop répétitive (tout est vrai), alors que je devrais lui renverser les épinards sur la tête. 

L’obligation du repas de qualité pour Monsieur (nourrissant, varié, si possible bien présenté, même si là-dessus tout le monde qui me connaît sait que j’ai abandonné), on se l’impose. On se l’impose aussi pour les enfants mais beaucoup moins, je trouve. Variété et petits plats mitonnés, souvent ils s’en contrefichent, alors que pâtes au pesto tous les jours et pommes dauphines surgelés, ils trouvent ça délicieux.


Comment déloge-t-on ces pensées parasites du “faut que je cuisine un truc mieux, quand même”? Ça me semble infaisable, tellement incrusté en moi de devoir coller, quelque part, à l’image de la bonne épouse, image que dans d’autres aspects de ma vie je rejette par ailleurs avec vigueur.

Faudra-t-il attendre une autre génération d’hommes?   

 

Le matriarcat serait-il un plat qui se mange froid?

 
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