Le Bingo de la mort

 

Batailles choisies #212

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Deux choses intéressent mon aîné en ce moment: le Bingo et la mort. Ou l’intersection des deux. ☠️


 

J’entends, dans la chambre des enfants, Grand et mon père en pleine conversation: 

-Et toi, tu vas bientôt mourir?

-Oh ben pas tout de suite, mais bon, ça peut m’arriver, je suis vieux tu sais.

-Et moi?

-Ah non, toi dans très longtemps!

-Et tu vas mourir à cause de ton accident de trottinette?

-Non, on meurt parce qu’on est vieux, que le corps est fatigué.

-Et quand on meurt, on a encore des béquilles?

-Non, on n’a plus rien. Ni béquilles, ni corps, ni os.

-Ni cheveux? 


Pardon, j’interromps la conversation pour faire un petit rappel de notre vie familiale: Grand et son Papi jouent au Bingo tous les jours, une, trois, dix parfois.

De ce jeu, Grand a retiré un tas de tics de langage du joueur invétéré qu’est mon père, comme “oh la, j’ai vraiment une carte pourrie”, ou “je remonte là, je remonte” ou le classique, coïncidant parfaitement à un enfant de cinq ans compétitif: “tu es nul, tu vas perdre, dis-donc!”. 

Du Bingo, Grand a aussi retiré un nouveau savoir: les nombres jusqu’à 75. Il a commencé son apprentissage par dire par exemple “cinq ensuite deux” et a appris petit à petit avec l’aide grand-paternelle à dire “cinquante deux” et à peu près sans se tromper désormais tous les nombres des cartes, de 1 à 75 donc. 


Retour à la conversation, qui vient de s’achever. Grand déboule dans ma chambre et me lance avec un sourire radieux: 

-Maman, tu as beaucoup de chance! Je vais mourir dans 70 ans!

-Beaucoup de chance? Ah. Mais pourquoi dans 70 ans? Comment tu sais?

-Parce que regarde, j’ai cinq ans. Donc je ne peux mourir que dans 70 plus 5 ans, 75 ans, le dernier numéro de la carte.


Bingo.

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Heloise SimonPapi, mort