Batailles choisies #27
En deux mots: comment calmer son fils quand il hurle de panique ? Toujours dire que c’est la faute de son père. Toujours.
Grand hurle. Il a d’abord pleuré de douleur, mais il hurle à présent de panique, complètement inaccessible, sourd à mes mots qui se veulent apaisants. Il repousse son père à coup de pieds, se met à se rouler par terre, se débat quand j’essaie de le prendre dans mes bras. Il est en pleine crise parce qu’il ne sait comment gérer sa douleur - petite douleur mais immense panique d’enfant.
Flashback : Grand a la peau très sèche, entre l’eau calcaire de la région, l’eau chlorée de la piscine et le fait qu’il passe la plupart de sa journée nu. Il a remarqué, ce soir, que sa peau était rouge, s’est gratté, s’est plaint que ça le piquait. Papa a eu une excellente idée : on va te mettre de la crème ! Grand dit “d’accord!”, Papa va chercher dans notre salle de bains une crème, qu’il étale avec application sur le corps un peu rouge. Rapidement : “ça pique, ça pique, Papa, ça pique très fort, j’ai mal, j’ai mal!”
Revenons à Grand, qui hurle toujours sur le tapis du salon, après une longue journée harassante - ce qui ne change rien à sa douleur, mais beaucoup à la patience des parents, à leur volonté de trouver vite vite vite une solution.
Lui dire de respirer profondément n’a pas marché.
Lui dire de prendre Gros Lion, sa peluche préférée, dans ses bras non plus.
Idée pas trop mauvaise : “Tu veux prendre une douche pour enlever la crème ?”
Grand, ses vagissements de douleur, et moi montons l’escalier. L’eau encore trop froide envahit le fond de la baignoire, de grosses larmes coulent sur les joues de mon fils. Sur le meuble à côté de moi, je vois une crème hydratante pour enfants qu’on avait achetée un jour par erreur, la méprenant pour un gel douche.
Idée lumineuse : “Aah, mais Grand, regarde, Papa s’est trompé de crème. C’est celle-ci qu’il fallait utiliser. Elle est pour les enfants alors que l’autre est pour les adultes. C’est pour ça qu’elle pique.”
Les larmes de mon aîné sèchent d’un coup. Il me fait signe d’arrêter l’eau. Pas de douche, finalement?
Il attrape la crème et redescend les escaliers d’un air décidé, et encore secoué de sanglots, d’un ton mi-accusateur mi-fier de donner une explication, crie à son père éberlué: “Regarde, Papa, regarde, c’est cette crème pour les enfants. L’autre c’est pour les adultes et elle pique. Tu vois, Papa, tu comprends ?”
Il va s’asseoir sur le tapis du salon et se badigeonne de la nouvelle crème. Plus une larme.
Le Papa me regarde.
Euh, oui, j’ai dit que c’était de ta faute. Désolée, mais là, il faut se sacrifier pour la cause.